Psychiatrie

Dépression résistante sévère : la stimulation du nerf vague est une option

La stimulation du nerf vague (SNV) montre des bénéfices antidépresseurs chez des patients atteints de dépression très résistante. Toutefois, l’évaluation principale (pourcentage de temps en réponse MADRS) ne distingue pas nettement SNV active et simulée, ce qui n’est pas le cas sur les autres échelles de dépression, soulignant la complexité de la prise en charge de ces patients.

  • BenGoode/istock
  • 07 Jan 2025
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    La dépression marquée résistante au traitement (DMRT) demeure un défi clinique majeur : jusqu’à 30 % des patients ne répondent pas de manière durable, même après plusieurs lignes d’antidépresseurs. Cette résistance est associée à une morbidité élevée, comprenant un risque accru de suicides et d’hospitalisations, ainsi que des coûts importants pour le système de santé. La stimulation du nerf vague (SNV), utilisée à l’origine dans l’épilepsie pharmacorésistante, est depuis 2005 approuvée par la FDA pour la dépression chronique ou récidivante résistant à au moins quatre traitements. Cependant, son remboursement a longtemps été limité par des données jugées insuffisantes.

    Dans l’étude publiée dans Brain Stimulation, 493 adultes souffrant de dépression marquée et résistant à plusieurs traitements ont été randomisés entre SNV active et SNV simulée (sans stimulation). Le critère principal était le pourcentage de temps en réponse à la Montgomery-Åsberg Depression Rating Scale (MADRS) sur une période de 12 mois (réponse définie par une amélioration ≥50 %). Le critère principal : le pourcentage de temps en réponse selon la MADRS n’a pas différé significativement entre le groupe SNV et le groupe simulé. Malgré cet échec sur le critère principal, différents scores d’évaluation réalisés par les cliniciens sur site (CGI-I), par les patients (QIDS-SR) et par des évaluateurs externes masqués (QIDS-C) ont mis en évidence un effet antidépresseur significatif en faveur de la SNV active.

    Une amélioration plus marquée dans certains groupes

    Au-delà du critère principal, les analyses secondaires montrent une amélioration cliniquement pertinente : la proportion de temps en réponse était nettement plus élevée dans le groupe SNV active lorsqu’on utilisait les échelles CGI-I et QIDS-SR (respectivement 26,7 % vs 18,2 % et 25,2 % vs 19,8 %). Par ailleurs, la réponse partielle (amélioration ≥30 %) a fortement distingué les deux groupes, à la fois sur l’évaluation par les cliniciens (CGI-I) et sur celle des évaluateurs externes (QIDS-C).

    En ce qui concerne la tolérance, la SNV active a été associée à plus de dyspnée et d’effets indésirables attendus (troubles de la voix, gêne au site d’implantation) par rapport au groupe contrôle. Aucun nouveau signal de sécurité n’a été identifié. La population incluse, présentant un degré de résistance et de comorbidités élevé, a globalement montré un taux de maintien dans l’étude (88,4 %) satisfaisant, ainsi qu’un faible taux de suicides ou de tentatives, probablement grâce à une surveillance étroite.

    Un large essai multicentrique randomisé versus placebo mais sans titration initiale

    Ces données proviennent d’un essai multicentrique (84 sites aux États-Unis) contrôlé en double aveugle, où 493 adultes avec une DMRT marquée ont été randomisés pour recevoir soit une SNV active, soit une SNV « simulée » sans stimulation réelle pendant 12 mois. Pour protéger la mise en aveugle, il n’était pas possible d’ajuster les paramètres de stimulation après les deux premiers mois, ce qui diffère de la pratique clinique habituelle où la titration se poursuit souvent plus longtemps. De plus, le critère principal a reposé sur la MADRS, évaluée par des intervenants téléphoniques externes différents à chaque visite. Cela a pu diminuer la sensibilité de l’outil, surtout dans une population aussi sévèrement résistante et chroniquement déprimée.

    Sur le plan clinique, ces résultats suggèrent que la réponse partielle, plutôt qu’une amélioration ≥50 %, reflète mieux l’impact thérapeutique dans les formes de dépression les plus sévères. Selon les auteurs, la SNV pourrait être envisagée après échec de plusieurs antidépresseurs et d’autres approches comme la stimulation magnétique transcrânienne ou l’eskétamine. La difficulté à mettre en évidence une différence sur le critère principal, alors que plusieurs autres échelles et une réponse partielle pointent vers un bénéfice réel, incite à repenser les outils d’évaluation dans la DMRT.

    Enfin, des travaux complémentaires sont nécessaires pour déterminer quels profils de patients (facteurs démographiques, cliniques, antécédents de traitements) tirent le plus de bénéfices de la SNV. Ces perspectives de recherche pourraient permettre d’affiner les indications de la SNV dans la dépression résistante et, à terme, d’améliorer le pronostic d’une population de patients pour qui les options thérapeutiques sont actuellement très limitées.

     

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