Rhumatologie
Hyperparathyroïdie primaire : pas d’impact de la parathyroïdectomie sur le risque de dépression
Une large analyse de données de cohorte montre que la parathyroïdectomie précoce ne réduit pas l’incidence de la dépression chez les patients atteints d’hyperparathyroïdie primaire. La prévention de la dépression ne doit donc pas orienter en priorité la décision thérapeutique.
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L’hyperparathyroïdie primaire (PHPT) est une endocrinopathie fréquente, dont la prévalence augmente ces dernières décennies. Elle peut se présenter sous des formes sévères, avec atteinte osseuse ou rénale, mais s’accompagne aussi de symptômes neuropsychiatriques, notamment dépressifs, même chez des patients considérés asymptomatiques. Jusqu’à un tiers d’entre eux souffriraient de signes dépressifs, altérant potentiellement leur qualité de vie et leur état de santé global. La parathyroïdectomie est le traitement curatif de référence, recommandé pour en atténuer les conséquences systémiques, y compris neuropsychiatriques. Des études antérieures, menées sur de petits échantillons et souvent chez des patients déjà déprimés, suggéraient une amélioration de la dépression post-chirurgie. Cependant, l’effet de la chirurgie en prévention de la nouvelle survenue d’une dépression restait inconnu.
Pour répondre à cette question, une approche de type « target trial emulation » a été mise en œuvre : comparant une cohorte nationale de patients nouvellement diagnostiqués PHPT, sans antécédent dépressif, traités soit par parathyroïdectomie précoce (dans l’année suivant le diagnostic) soit par une gestion non opératoire. Les résultats, publiés dans The JAMA Surgery, ne montrent aucune différence significative dans l’incidence de la dépression à 5 et 10 ans entre les deux stratégies (HR=1,05 ; IC95% : 0,94-1,17), invalidant l’idée d’un effet préventif de la chirurgie sur l’apparition d’une dépression.
Les analyses de sous-groupes ne retrouvent pas non plus de différence
L’analyse détaillée ne montre pas non plus de variation selon l’âge ou le profil biochimique (taux de calcium plus ou moins élevé). La mortalité, la tolérance ou la sévérité des symptômes dépressifs ne sont pas directement abordées, mais les données suggèrent que la chirurgie n’influe pas sur la probabilité de développer ultérieurement une dépression. À 5 ans, l’incidence cumulée de dépression est d’environ 11% dans le groupe opéré et 9% dans le groupe non opéré, et à 10 ans, elle se stabilise autour de 18% dans les deux groupes.
Les études antérieures, basées sur des petits effectifs, des mesures à court terme ou des outils d’auto-évaluation, avaient pu surestimer la contribution spécifique de la PHPT à la dépression ou refléter une amélioration des symptômes déjà présents plutôt qu’une prévention de leur émergence. Les données ici recueillies, issues d’une cohorte nationale de grande taille, soulignent que la chirurgie ne modifie pas significativement le risque futur de dépression, malgré l’efficacité reconnue de la parathyroïdectomie sur d’autres complications de la PHPT (atteintes osseuses, rénales).
Une étude sur une cohorte de grande taille
Cette étude est basée sur une émulation de cible de type essai clinique, appliquée à des données observationnelles du système de santé des Anciens Combattants américains (VA), couvrant près de 40 000 patients. L’importance de l’échantillon, la robustesse du suivi à long terme et la méthode statistique (modèle de Cox étendu avec pondérations par probabilité inverse) renforcent la validité des résultats. Le biais possible de recrutement (cohorte majoritairement masculine) et l’absence de données sur la symptomatologie dépressive infraclinique ou l’intensité des symptômes sont des limites à souligner.
D’un point de vue pratique, ces résultats inciteraient les médecins à ne pas fonder leur décision opératoire sur l’espoir de prévenir une dépression ultérieure. Les bénéfices documentés de la parathyroïdectomie portent plutôt sur la réduction du risque fracturaire et l’amélioration de la qualité de vie globale. Les recherches futures devraient explorer des indicateurs plus fins de bien-être psychique, la sévérité des symptômes dépressifs, et l’impact à long terme de la prise en charge. Il reste également à déterminer si la chirurgie peut moduler d’autres composantes neurocognitives ou si un suivi psychologique plus précoce est nécessaire chez certains patients à risque.
Au total, ces données soutiennent une approche thérapeutique centrée sur les bénéfices osseux, rénaux et métaboliques, plutôt que sur une potentielle prévention de la dépression.