François Ducrocq, urgences psychiatriques de Lille
Attentats de Paris : surveiller les blessures psychiques à long terme
Des témoins directs et indirects traumatisés par centaines, voire par milliers. Au-delà des blessures physiques, les attentats de Paris ont entraîné de nombreuses blessures psychiques.
Quatre attentats suicides – à Saint-Denis et Boulevard Voltaire, une prise d’otages au Bataclan, trois fusillades dans Paris. Six attaques quasi simultanées ont ébranlé Paris, le vendredi 13 novembre. 132 personnes ont perdu la vie et 350 ont été blessées. Mais les hôpitaux parisiens ont accueilli plus de 430 personnes au cours du week-end, dont certaines « en état de choc psychologique ». Les médecins ont fini de panser les plaies physiques. Dès samedi, d’autres professionnels ont pris en charge des blessures d’un autre ordre, celles de l’esprit.
« On m’a appelé dans l’heure qui a suivi les premiers événements », se souvient François Ducrocq. Ce chef des urgences psychiatriques officie normalement au CHRU de Lille (Nord). Mais dans la nuit de vendredi à samedi, il est venu soutenir les équipes parisiennes. « Le SAMU 75 nous a demandé de renforcer les équipes des 10e et 11e arrondissements. On est arrivés sur place vers 5 heures du matin », raconte-t-il.
« Des dissociations majeures »
Dans les premières heures suivant le drame, des cellules d’urgence médico-psychologiques (CUMP) sont mises en place. « L’un des premiers buts, c’est de hiérarchiser les besoins. On distingue les blessés psychiques, qui ont été les témoins directs ou qui ont été confrontés aux scènes de violence, explique François Ducrocq. Ils sont les plus à risque de tomber malade. Il y a aussi les témoins indirects et les gens endeuillés – qu’on a vus rapidement. »
Les symptômes sont relativement classiques, mais leur ampleur, en revanche, est inédite. « Les blessés psychiques se chiffrent par centaines voire milliers. Mais l’intensité clinique est surtout particulière, et cela nous a marqués dès les premières heures, souligne François Ducrocq. Les gens sont très impactés, présentent des dissociations majeures, une anxiété considérable. Tout le travail de la journée à la mairie du 11e arrondissement a confirmé cela. »
Des consultations dédiées
Cette prise en charge immédiate s’applique aussi aux équipes soignantes qui sont intervenues sur les lieux des attaques et qui ont assuré les soins des victimes dans les hôpitaux. Et pour cause : ces professionnels ont été soumis à un stress considérable. Psychologues cliniciens et psychiatres vont assurer un débriefing collectif des équipes. De manière complémentaire, la médecine du travail et les CUMP pourront aussi permettre une prise en charge individuelle.
La prise en charge d’urgence s’achève. A présent, commence un travail sur le plus long terme, où la vigilance ne doit pas se relâcher. « On distingue deux ou trois grandes périodes. La première, on est en train de la passer. Au cours de la deuxième, les autres médecins doivent surveiller l’apparition ou la non-extinction de ces manifestations cliniques immédiates. On autorise qu’elles durent un jour ou deux. » Lorsque les symptômes s’inscrivent dans la durée, il convient de consulter un spécialiste. Sur les réseaux sociaux, des listes de psychothérapeutes proposant leur aide ont largement circulé. Mais une consultation dédiée aux traumatismes est largement préférable.
Ces consultations spécialisées sont accessibles dans le cadre des cellules d’urgence médico-psychologiques. Pour entrer en relation avec elles, il suffit de contacter le Samu Centre 15, chargé de la coordination des opérations. Des centres de psychotraumatismes et de victimologie sont également accessibles dans différents hôpitaux de France. Voici la liste éditée par l’Agence régionale de Santé (ARS) d’Île-de-France. Pour les adultes comme pour les enfants, le dialogue reste crucial au cours de cette période.
268 personnes sorties de l'hôpital
Au 16 novembre, l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), qui a accueilli de nombreux blessés, a annoncé la levée du plan blanc – déclenché ce 13 novembre. 268 personnes ont pu regagner leur domicile. Sur les 80 personnes déclarées en état d’urgence absolue le 13 novembre, 48 ne sont plus sous surveillance intensive. Mais 29 sont toujours en service de réanimation.
Une ligne dédiée a été mise en place pour les familles souhaitant s’informer sur l’identité des victimes pouvant être hospitalisées : le 01 40 27 40 27.
L’AP-HP a rappelé que les hôpitaux inter-armées et d’autres hôpitaux franciliens ont pris en charge des blessés au cours du week-end.