Liquide ophtalmologique
Ala Octa : le mésusage médical en question
Le produit ophtalmologique suspecté d’avoir causé la cécité partielle d’une quinzaine de personnes est utilisé pour les cas graves de décollement de la rétine. Le mésusage médical n’est pas la seule piste.
Les accidents liés à l’utilisation de l’Ala Octa sont-ils imputables à un mésusage de la part des médecins, comme le suggère le fabricant ? La question se pose, alors qu’au moins 14 personnes (13 Espagnols et 1 Français) ont partiellement perdu la vue après une intervention chirurgicale nécessitant le recours à ce produit.
« Chirurgie de la dernière chance »
L’Ala Octa est un dispositif médical utilisé en chirurgie de la rétine pour les décollements multirécidivistes. « Pour les chirurgies de la dernière chance », précise Jean-Marc Ancel, chirurgien à la clinique ophtalmologique Lamartine (Paris).
Les praticiens injectent dans le globe oculaire ce liquide très dense, composé de perfluorooctane, afin de décoller les parois de la rétine devenue épaisse du fait de la pathologie, et ainsi faciliter sa réouverture. « Il s’agit d’un produit dont la forte toxicité est très bien renseignée », explique Jean-Marc Ancel.
En effet, à la fin de l’intervention chirurgicale, les médecins sont tenus d’enlever le liquide de la rétine, qui n’a pas vocation à y rester. Selon le fabricant allemand d'Ala Octa, Alamedics Gmbh, un mésusage médical pourrait être à l’origine de la cécité partielle observée chez les patients. Le fabricant évoque ainsi un cas où « le produit a été laissé dans l’œil pendant une semaine au lieu d’être immédiatement retiré après l’opération ».
Possible infiltration par les trous de la rétine
Pourtant, cet oubli malheureux n’apparaît pas comme la seule explication. « L’Ala Octa est utilisé pour des cas graves, dont le degré de sévérité implique parfois de devoir faire des trous dans la rétine, poursuit Jean-Marc Ancel. Il est fort possible que du liquide se soit infiltré par ces orifices ».
Faut-il pour autant ne plus utiliser le produit ? Selon les éléments fournis par les spécialistes, la balance entre les risques et les bénéfices pencherait encore en faveur de son usage, par ailleurs très limité.
De fait, on estime à 10 000 le nombre de décollements de rétine chaque année en France, dont 5 à 10 % de récidives. « L’Ala Octa est utilisé dans environ 1 % des cas, soit 100 patients par an », calcule Jean-Marc Ancel. Selon l’ANSM, sur les 75 unités vendues et mises en cause en France, seules 10 ont été utilisées. Par ailleurs, ce produit s’adresse à « des cas presque désespérés qui, s’ils ne sont pas opérés, perdront fatalement la vue », rappelle le Dr Ancel.