En vigueur depuis 1979
Chine : la fin de la politique de l'enfant unique
Le parti communiste vient d'autoriser tous les couples à avoir 2 enfants. En 30 ans, la politique de l'enfant unique a bouleversé la démographie du pays.
La visite de François Hollande qui débute ce lundi en Chine intervient à un moment de profonds changements pour le pays. Le parti communiste vient en effet de toucher à un pilier de sa politique démographique, en place depuis plus de trente ans : la « politique de l’enfant unique ».
Un enfant par femme : depuis 1979, c’est le principe au cœur des politiques de natalité du gouvernement chinois. Les parents qui y dérogeaient devaient payer de lourdes amendes ou subir des avortements forcés. La loi a progressivement été assouplie, mais c’est seulement la semaine dernière qu’elle a enfin été modifiée. Désormais, tous les couples pourront avoir jusqu’à deux enfants, quel que soit l’endroit où ils habitent dans le pays et indépendamment de leur origine ethnique.
Le parti communiste autorisait déjà la naissance d’un deuxième enfant en zone rurale, si l’aîné de la famille était une fille. Plus récemment, les règles ont été détendues pour les couples urbains il y a deux ans, lorsque l’un des parents était lui même enfant unique. La fin de la politique de l’enfant unique apparaît comme une nécessité aux yeux des autorités chinoises, qui craignent que le vieillissement de la population chinoise n’entrave le développement économique du pays et n’augmente les coûts de santé.
Déséquilibre démographique
Aujourd’hui, plus de 30 % de la population chinoise a plus de 50 ans et d’ici 2050, un quart de la population devrait dépasser les 65 ans. En modifiant la loi pour permettre la naissance de deux enfants par femme, l’idée est donc de permettre un renouvellement de la population active, et d'apporter un soutien aux seniors. Toutefois, les démographes pensent que cela ne sera pas suffisant.
D’après Christophe Guilmoto, chercheur à l’INED et spécialiste des questions de démographie en Asie, la nouvelle loi pourrait impulser une hausse de la fécondité modérée, mais qui ne sera pas suffisante pour rattraper trois décennies de politique de l’enfant unique.
Par ailleurs, il estime que de nombreux couples pourraient ne pas profiter de la nouvelle loi, dans la mesure où avoir un seul enfant fait désormais partie des normes sociales bien intégrées. Avant même la mise en place de la politique de l’enfant unique, la natalité avait déjà fortement diminué, passant de 5,8 enfants par femme en 1970 à 2,7 enfants par femme en 1978.
Masculinisation des naissances
Christophe Guilmoto s’est particulièrement intéressé à une autre conséquence démographique de la politique de l’enfant unique : la masculinisation des naissances. Il existe en effet un déséquilibre très important entre les sexes. Les dernières statistiques publiées par les autorités font état de 116 garçons pour 100 filles. Cela pose des problèmes sociétaux dans un pays où les hommes ne trouvent aujourd’hui pas de partenaires pour se marier. La situation crée de vraies souffrances psychologiques et sociales.
« Le déséquilibre va augmenter au fur et à mesure que de nouveaux jeunes gens vont entrer sur le marché matrimonial, et que des plus âgés vont y rester sans trouver de conjoint. Il va y avoir un gigantesque embouteillage. On n’a jamais eu de situation égale et on ne sait pas comment la société peut s’ajuster. Pour le moment, cela crée des situations sociales difficiles, ne pas être marié étant considéré comme un échec majeur », souligne Christophe Guilmoto.
Malgré ce mal-être, ressenti par une grande part de la population masculine, la discrimination à l’égard des femmes et la préférence des parents pour les garçons restent profondément ancrées dans la culture du pays.
Des avortements sélectifs, et dans une moindre mesure, des infanticides, ont longtemps été pratiqués pour favoriser la naissance de garçons, surtout dans les zones urbaines, où la politique était le plus strictement appliquée. La possibilité d’avoir deux enfants ne signifie pas forcément la fin de ces avortements sélectifs. Les parents qui ont d’abord eu une petite fille pourraient toujours y avoir recours, pour être sûrs d’avoir un garçon la seconde fois.
Régulation autoritaire
En fait, la nouvelle loi témoigne d’un changement au niveau politique, mais elle ne devrait concrètement pas transformer la société chinoise. Un renversement de la pyramide démographique n’est pas à prévoir sur le court terme.
Par ailleurs, la fécondité des femmes restent toujours régulée par l'état : même si elles peuvent désormais avoir deux enfants, elles ne sont théoriquement pas autorisées à dépasser ce quota. La politique de natalitéconstitue donc toujours une manifestation de l'autoritarisme du régime chinois, qui persiste à vouloir contrôler la capacité des couples à se reproduire.