Journée Mondiale

Bégaiement : adapter la prise en charge des adolescents

Face au bégaiement, les adolescents sont particulièrement vulnérables. Une prise en charge adaptée à cette classe d'âge permet d'éviter comportements à risque et dépression.

  • Par Léa Surugue
  • DENIS CLOSON/ISOPIX/SIPA
  • 22 Oct 2015
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    Honte, frustration, exclusion… C’est dans ces termes très péjoratifs que Christian Boisard parle de son bégaiement. D’une voix calme et posée, il raconte les souffrances qu’il a endurées pendant quarante ans, et les difficultés qu’il a eues pour construire des relations avec les autres, alors qu’il était rendu presque muet par cette maladie. Aujourd’hui, Christian Boisard a réussi à dépasser ces problèmes, et anime des stages pour les jeunes et les moins jeunes qui en souffrent encore. 

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    Christian Boisard, ancien bègue et organisateur de stages pour lutter contre le bégaiement: «Pour nous bègues c'est pas facile, même si on est soutenu, ça n'exclut pas les moqueries. J'ai été un très grand bègue, je me faisais frapper à la récréation...»

    En France, on estime qu’environ 1 % de la population est atteint de bégaiement, une réelle pathologie, qui altère la fluidité de la parole, et complique toute communication avec autrui. A l’occasion de la journée mondiale ce jeudi, les associations espèrent bien sensibiliser le reste des Français à ce problème.

    Une classe d’âge fragile

    Le bégaiement apparaît souvent à l’enfance et peut, dans trois cas sur quatre, s’estomper à l’âge adulte. Les méthodes sont nombreuses, de la rééducation orthophonique aux théories cognitivo-comportementales, en passant par l’hypnose. Elles sont appliquées en fonction des besoins, de l’histoire et de l’âge de l’individu.

    Mais à l’adolescence, les choses se compliquent généralement. Si le bégaiement n’a pas disparu, il peut causer une réelle souffrance psychologique, à une période qui n’est déjà en soi pas facile à vivre. Les adolescents constituent donc une classe d’âge particulièrement fragile, qui peut s’avérer bien plus complexe à accompagner que les enfants.

    Ne pas forcer l’adolescent

    Les adolescents peuvent d’abord se heurter à un problème important : peu de rééducateurs et d’orthophonistes prennent aujourd’hui en charge le bégaiement à cet âge, en raison du défi que cela présente.

    Par ailleurs, Dr Marie-Claude Monfrais-Pfauwadel, médecin spécialiste du bégaiement, auteur du Manuel du bégaiement, estime qu’aucune thérapie ne sera un succès si l’adolescent n’est pas lui même convaincu de son bien fondé. La clé est donc de responsabiliser le jeune patient, de s’assurer qu’il adhère à l’idée même de traitement. Cela peut être difficile, si le jeune a passé son enfance à suive différentes thérapies sans forcément constater beaucoup de progrès.

    Pour les adolescents qui le souhaitent, les spécialistes insistent particulièrement sur la thérapie par le théâtre, l’art, le travail avec vidéo afin de trouver d’autres moyens de s’exprimer que le langage, et d’apprendre à maîtriser l’image que l’on renvoie.

    Eviter la phobie sociale

    La prise en charge du bégaiement à l’adolescence suppose d’accompagner le jeune à un moment particulièrement difficile, où le sentiment de honte, et l’importance du regard des autres pèsent énormément. Le Dr Monfrais-Pfauwadel explique que les médecins doivent veiller à ce que leur patient ne développe pas de « phobie sociale ». En effet, la peur de parler en public et les moqueries peuvent conduire certains jeunes à se renfermer sur eux-mêmes, et à refuser d’aller vers les autres.

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    Marie-Claude Monfrais-Pfauwadel, médecin spécialiste du bégaiement : «Sur le plan technique du bégaiement il y a plein de méthodes. Chez l'adolescent ce qui est un important c'est éviter de se crisper sur des méthodes réactionnaires, des phobies sociales ...»

    Dans certains cas extrêmes, la stigmatisation qui accompagne le bégaiement peut pousser l’adolescent à des conduites à risque. « Les parents craignent beaucoup les moqueries pour leurs enfants, mais il n’y en a pas beaucoup dans les petites classes. En revanche, à l’adolescence on travaille beaucoup sur la honte. A cet âge là il y a la peur d’être exclu, et le bégaiement fait un peu désordre. Il y a beaucoup d’ados qui compensent leur malaise par l’utilisation de drogues, de cannabis », souligne le Dr Monfrais-Pfauwadel.

    Les signes d’addiction et de dépression doivent donc être particulièrement surveillés, surtout si le jeune a été victime d’angoisses à l’enfance, ou s’il s’est montré particulièrement émotif.

    Ces risques peuvent aussi exister à l’âge adulte, mais c'est à l’adolescence qu'ils doivent être suivis de manière poussée, notamment en instaurant un réel dialogue entre le patient, sa famille et le praticien.

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