Précarité, obésité...

Mortalité infantile : 50 % plus élevée en Seine-Saint-Denis

La Seine-Saint-Denis est le département français où la mortalité infantile est la plus élevée. Deux nouveaux rapports jettent un nouvel éclairage sur les causes de cette surmortalité.  

  • Par Anne-Laure Lebrun
  • Rafael Ben-Ari/Chameleo/REX/SIPA
  • 21 Oct 2015
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    Alors que la mortalité infantile recule de façon continue en France, la réalité est tout autre en Seine-Saint-Denis. Dans ce département, la mortalité infantile est 40 à 50% plus élevée que la moyenne métropolitaine, depuis les années 2000.

    La précarité a souvent été pointée du doigt pour expliquer cette situation. Mais elle n’explique pas tout. Le parcours de soins inadapté des mères, un défaut de surveillance des facteurs de risques et de la survenue de complications sont également responsables, selon deux rapports de l’Inserm et l’Observatoire du Samusocial de Paris remis le 20 octobre dernier à l’Agence régional de santé (ARS) d’Ile-de-France.

    Pour réaliser son audit, l’Inserm a étudié les dossiers médicaux de 227 enfants mort-nés ou décédés en période néonatale (de la naissance au 28ème jour de vie) en 2014. Par l’intermédiaire de sages-femmes enquêtrices, les chercheurs ont pu collecter des informations sur le déroulement de la grossesse et de l’accouchement, les causes des décès et les caractéristiques sociodémographiques de la mère. Elles se sont également entretenues avec 75 mamans endeuillées.

    Des situations sociales difficiles

    Selon cet audit, « la mortalité néonatale est caractérisée par une proportion importante de naissances très prématurées », dont près d’un tiers sont liées à des pathologies vasculaires. Par ailleurs, la moitié des mères étaient en surpoids ou obèses, des facteurs de risques qui méritent une attention particulière aussi bien pour la santé de la mère que celle de l'enfant à naître. Or, le parcours de soins de ces femmes est bien souvent inadapté, en particulier pour les femmes souffrant de diabète ou d'hypertension. 

    L’étude met également en lumière le lien entre situations difficiles et mortalité infantile. Elle relève que 7% des femmes n’avaient pas de sécurité sociale en début de grossesse et à peine plus étaient bénéficiaires de l’AME ou du dispositif d’accès aux soins urgents. Des ruptures familiales ou des violences sont également rapportés dans 23 % des dossiers.

    Des soignants usés et démunis

    Et d’après l’Observatoire du Samu social de Paris, ces difficultés ne sont pas assez entendues et prises en compte par les équipes soignantes. « Toutes les femmes que nous avons suivies ont témoigné de sérieuses difficultés d’orientation dans le système de soins, tout au long de leur grossesse », indique les premières lignes du rapport. Et de poursuivre : « Les femmes interrogées rapportent qu’elles n’ont pas toujours compris les démarches à suivre ou les documents à présenter, et « à chaque fois elles peinent à trouver le bon interlocuteur ».

    Les futures mères se tournent alors vers les infirmières, les secrétaires voire les médecins eux-mêmes qui ne sont pas toujours capables de répondre à leurs questions. Les professionnels de santé pointent également le manque de temps, des cadences de travail importantes « peu propices à la prise en charge des difficultés sociales des patientes ».

    « Mais les problèmes ne sont pas simplement médicaux, s’agace le Dr Gilles Lazimi, médecin généraliste au centre municipal de santé de Romainville (Seine-Saint-Denis). Si on veut améliorer la mortalité périnatale et la prise en charge des femmes enceintes précaires, il faut se donner les moyens qu'elles aient un logement adéquat, qu'elles aient les moyens de se nourrir sainement et qu'on ait des travailleurs sociaux qui puissent accompagner ces femmes ».

    Ecoutez...
    Gilles Lazimi, médecin généraliste au centre municipal de santé de Romainville (Seine-Saint-Denis) : « Si on ne permet pas à ces femmes enceintes d’avoir immédiatement une prise en charge sociale totale mais qu'au contraire on les met en situation d'être dans un parcours de soins difficiles, on n’arrivera pas à mieux suivre ces femmes »

    De nouvelles mesures attendues

    Les principales pistes de réflexion présentées par ces deux rapports portent donc sur l’amélioration de la prévention précoce des facteurs de risques, nécessité d’apporter une meilleure information aux femmes et une aide à la compréhension des recommandations médicales délivrées et de l’organisation du système de santé. A partir de ces propositions, l’ARS organisera trois ateliers réunissant les professionnels et acteurs de la périnatalité en Seine-Saint-Denis de novembre 2015 à mars 2016. A l’issue de ces ateliers, de nouvelles mesures concrètes viendront enrichir le programme d’actions déjà engagé du Projet régional de l’Agence visant à Réduire la Mortalité Infantile et périnatale (RéMI).

    Mais pour le Dr Gilles Lazimi, cela ne suffira pas pour répondre à ces situations complexes si les politiques et les décideurs sont absents des discussions. Le professionnel médical ne doit pas et ne peut pas être le seul acteur en matière de précarité. Les relais sociaux sont indispensables.

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