Conflit et droit international

Kunduz : l'attaque de l'hôpital MSF suit une longue série

Suite au bombardement contre un hôpital de MSF, PourquoiDocteur revient sur les principes qui protègent les structures médicales lors d'un conflit. 

  • Par Léa Surugue
  • FARNOOD/SIPA
  • 12 Oct 2015
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    Au moins 22 personnes ont trouvé la mort dans le bombardement de l’hôpital de Médecins Sans Frontières à Kunduz, dans la nuit du 3 au 4 octobre dernier. Après plus d’une décennie de conflit en Afghanistan, les talibans s’étaient emparés de cette ville au Nord Est du pays, à la fin du mois de septembre. Si les forces de l’armée afghane et américaine ont rapidement repris le dessus, la destruction de l’hôpital a fortement écorné leur image.

    Malgré l’ampleur de la tragédie, les attaques contre des structures médicales, des patients ou des médecins ne sont pas nouvelles en zone de guerre, en dépit des protections juridiques dont elles bénéficient. Mais dans le cas de l’hôpital de Kunduz, l’attaque ne devrait pas rester sans conséquences.

    Quatre enquêtes ont été lancées en parallèle, notamment par les Etats-Unis et par l’OTAN. MSF a  demandé une enquête internationale, en demandant à la communauté internationale de saisir la Commission internationale humanitaire d'établissement des faits, instaurée en 1991.

    Possible « crime de guerre »  

    Le Pr Eric David, qui est membre de cette commission, estime qu’une violation du droit international a clairement été commise par l’armée américaine. Depuis la première convention de Genève de 1864, le statut des établissements sanitaires est encadré et protégé par les principes du droit international.

    Quatre autres conventions signées en 1949 viennent compléter le tableau, accordant à chaque fois plus de droits aux civils, et aux structures médicales. Le Comité international de la Croix-Rouge a par ailleurs publié en 2005 une liste de règles de droit humanitaire coutumier, notamment celle qui consiste à avertir un hôpital en cas d’attaque.

    En complète opposition à ces principes, le bombardement de Kunduz pourrait même être qualifié de « crime de guerre », si l’armée est finalement reconnue coupable d’intention criminelle.

    Ecoutez...
    Eric David, professeur de droit international et membre de la commission internationale humanitaire d'établissement des faits  : « Le vrai problème qui se pose dans le cas de l'hôpital MSF, c'est de savoir s'il s'agit d'une violation du droit international humanitaire ou, plus que cela,, dun crime de guerre ...»

     

    Les conséquences pourraient alors être très lourdes pour les Etats-Unis. Les responsables du bombardement devront déjà payer des réparations civiles à MSF pour les dommages subis, mais ils pourraient en plus voir leur responsabilité pénale engagée.

    1222 violences à l’encontre d’hôpitaux

    Au delà du conflit politico-juridique, l'affaire MSF souligne que les efforts restent à poursuivre, afin de mieux protéger les civils et les structures sanitaires. 

    Le bombardement de Kunduz n’est en effet pas un cas isolé. Un rapport du Comité internationale de la Croix-Rouge (CICR) dévoile même qu’entre 2012 et 2014, 1222 incidents de violences à l’encontre d’hôpitaux ou de structures médicales ont été rapportés, dans 11 des pays dans lesquels l’organisation exerce. 700 ambulances et près de 600 médecins et infirmiers auraient aussi été attaqués.

    Infographie de CICR sur les victimes de violences

    Récoltées par des médecins et des volontaires présents sur le terrain, ces données alertent sur l’ampleur des risques encourus au sein même de bâtiments particulièrement protégés. Parmi les 1222 évènements rapportés, 403 correspondent à des bombardements ou à l’incendie de ces structures. Plus inquiétant peut-être, la responsabilité des attaques a été imputée à des forces étatiques, police ou armée, dans près de 839 des cas.

    Le rapport note aussi que ces attaques affectent plus souvent les centres de santé locaux. Des incidents impliquant des hôpitaux gérés par des organisations internationales, comme celui de MSF, sont plus rares, d'autant que l'ONG a pour habitude de dialoguer avec tous les bélligérents, pour assurer la respect de ses missions. 
    Pour Mathilde Berthelot, responsable des programmes MSF en Afghanistan, le personnel médical international est donc moins soumis aux pressions des différentes parties du conflit.

     

    Ecoutez...
    Mathilde Berthelot, responsable des programmes MSF en Afghanistan : « Quand on regarde effectivement le nombre d'attaques, le personnel local touché est beaucoup plus important (...)  En zones rurales, il va être plus exposés aux pressions de sa communauté, des Talibans...»

     

    Nécessaire accompagnement

    Ce sentiment d’insécurité, au sein de bâtiments censés être protégés, est lourd de conséquences. Il peut conduire à une baisse dramatique de leurs effectifs, dans des régions qui manquent déjà cruellement de personnel. De plus, par peur de subir une attaque, les patients et blessés risquent de moins se rendre dans ces structures, alors qu’ils ont besoin de soins parfois vitaux. Enfin, les dommages causés aux bâtiments, aux stocks de médicaments et aux équipements, aggravent les défaillances du système de santé.

    « L'incident à Kunduz a forcé le personnel de MSF et du CICR a évacuer de la ville. En conséquence, l'état catastrophique des services de santé, pour les Afghans coincés dans ce conflit, ne va qu'empirer. Par le passé, d'autres attaques de cliniques et de centres de santé dans la région ont réduit la capacité du personnel local et des humanitaires à aider les Afghans. Sur le long terme, cela sera désastreux », souligne Olivier Moeckli, en mission à Kaboul pour le CICR.

    C’est pour cette raison que l’accompagnement et la formation des médecins qui se rendent en zone de guerre est essentiel. MSF comme le CICR prévoient des programmes pour leur personnel, afin d'expliquer le contexte et les risques spécifiques du pays où ils se rendent, avant et après leur arrivée. 

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