Une hécatombe prévisible

Tabac : 2 millions de morts en Chine en 2030

Une hécatombe se prépare en Chine. Deux tiers des jeunes hommes fument, et la moitié d'entre eux risque de mourir prématurément si rien n'est fait.

  • Par Audrey Vaugrente
  • Ng Han Guan/AP/SIPA
  • 09 Oct 2015
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    L’air saturé de Pékin, ses citadins qui déambulent un masque sur le nez. Et pourtant, il n’y a pas que la pollution des villes chinoises qui fasse des dégâts. La cigarette aussi a son rôle à jouer. Une publication dans The Lancet rappelle le fardeau considérable du tabac dans ce populeux pays. D’ici 2030, deux millions d’hommes devraient être tués chaque année par leur addiction.

    Une accélération inquiétante

    C’est une très large étude qu’ont réalisé les chercheurs de l’université d’Oxford (Royaume-Uni) et de l’Académie des Sciences médicales de Pékin (Chine). Dans les années 1990, 250 000 hommes ont été suivis. En 2010, 500 000 Chinois et Chinoises ont été recrutés.

    Le tabagisme est massif dans la République populaire de Chine. Les deux tiers des jeunes hommes fument, et ils commencent le plus souvent avant l’âge de 20 ans. Dans un pays peuplé de plus d’un milliard d’âmes, les conséquences sont amplifiées.
    C’est donc sans surprise qu’en 2010, un million de décès ont été attribués à la cigarette. En 2030, ce nombre devrait être doublé, signe d’une accélération inquiétante.

    La tranche des 40-79 ans est particulièrement touchée par la mortalité prématurée liée au tabac, tout comme les populations urbaines. Ce sont non seulement les populations qui fument le plus, mais aussi celles où le tabagisme augmente le plus.

    Prévenir l’hécatombe

    Les femmes sont pour le moment relativement épargnées par les dégâts de la cigarette. Et pour cause : le taux de fumeuses a plongé entre les deux cohortes. Parmi les femmes nées en 1930, elles sont 10 %. Parmi celles nées en 1960, elles ne sont plus que 1 %. La mortalité est logiquement en chute libre. Les auteurs s’attendent toutefois à un léger rebond : les jeunes générations ont tendance à se tourner de nouveau vers le tabac.

    Seule solution pour prévenir une véritable hécatombe dans l’Empire du milieu : encourager sa population à se sevrer. « Si l’on n’agit pas de manière rapide, déterminée et large pour réduire les niveaux de tabagisme, la Chine sera confrontée à un nombre énorme de décès prématurés », anticipe le Pr Liming Li, de l’Académie des Sciences de Pékin.

    Lutter contre les légendes urbaines

    Comme dans les pays Occidentaux, rendre les prix dissuasifs s’est avéré une mesure efficace, soulignent les auteurs. Elle est d’autant plus importante que de nombreuses légendes urbaines circulent dans le céleste Empire. « Plusieurs mythes à propos du tabac ont limité l’efficacité des messages d’éducation à la santé, expliquent Jeffrey Koplan, de l’université Emory à Atlanta (Géorgie, Etats-Unis), et Michael Eriksen, de l’université d’Etat de Géorgie (Etats-Unis) dans un commentaire associé à l’étude. Ils concernent, par exemple, le fait de croire que des mécanismes biologiques protecteurs spécifiques à la population asiatique rendent le tabagisme moins dangereux, qu’il est plus facile de s’arrêter ou que la consommation de tabac est intrinsèque à la culture chinoise, qu’elle en est une part ancienne. Cette nouvelle étude montre clairement les conséquences dévastatrices du tabac sur la mortalité prématurée des hommes chinois. »

    S’arrêter de fumer avant les premiers signes de maladie a pourtant de nets bienfaits. 10 ans après le sevrage, les anciens fumeurs ont un risque de mortalité prématurée comparable à la partie de la population qui n’a jamais consommé de cigarette. La pollution urbaine étant considérable dans le pays, ce risque reste tout de même non négligeable.

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