Dépistage, travail
Dyslexie : le parcours du combattant des adultes
L'Académie de Médecine attire l'attention sur la dyslexie, qui touche 5 % d'enfants et autant d'adultes. Des défis importants compliquent la prise en charge.
Chloé Leroy* avait 21 ans lorsqu’elle a appris qu’elle était dyslexique. La jeune femme a traversé toute sa scolarité sans jamais comprendre d’où lui venaient ses difficultés avec la lecture et l’orthographe. Apprendre à l’âge adulte que ses problèmes avaient une explication précise constitue aujourd’hui un véritable soulagement.
Souvent associées à l’enfance et à l’apprentissage de la lecture, les problèmes de dyslexie sont plus rarement évoqués pour les adultes comme Chloé.
En cette rentrée scolaire, l'Académie de Médecine a choisi de sensibiliser l'opinion au sujet des troubles dyslexiques. Caractérisés par une altération spécifique de la lecture et/ou de l'écriture, ils touchent environ 5 % des enfants et au moins autant d’adultes. Mais pour ces derniers, l’absence de recherche sur le sujet implique qu’il n’existe pas de chiffres précis sur le nombre de personnes affectées. De fait, la méconaissance de la dyslexsie chez l'adulte pose un certain nombre de problèmes de reconnaissance et de prise en charge.
Situations d’illetrisme
Le plan langage 2001 marque la première étape dans la mobilisation de l’opinion publique et des professionnels de santé sur les troubles de l’apprentissage, au premier rang desquels, la dyslexie. Ensuite, la loi du 11 février 2005 a défini la dyslexie comme un handicap, ouvrant la voie à des mesures d’accompagnement spécifiques, notamment en milieu scolaire (voir encadré). Grâce à ce coup de projecteur, la grande majorité des enfants souffrant de ce trouble peut aujourd’hui être diagnostiquée.
Pour de nombreux adultes ayant dépassé la trentaine, le dépistage de la dyslexie était moins souvent proposé lorsqu'ils étaient enfants. Quelques-uns ont pu en bénéficier, et continuent à être suivis selon leurs besoins aujourd’hui. Pour les autres, le trouble leur a été reconnu tardivement, alors qu'ils avaient déjà fait toute leur scolarité. Certains parents ont même découvert leur dyslexie seulement lorsque leurs enfants ont été dépistés.
L’absence d’accompagnement pendant la jeunesse a conduit à des situations personnelles et professionnelles parfois compliquées, avec, dans les cas les plus extrêmes, des personnes souffrant d’illettrisme, comme l'explique Magali Dussourd-Deparis, orthophoniste à Colmar et chargée de mission lutte contre l'illettrisme de la Fondation Nationale des orthophonistes.
Huit mois pour un rendez-vous
Or, la prise en charge des adultes est encore insuffisante. D’après Laetitia Branciard, responsable du pôle scolarité de la Fédération Française des Dys, et formatrice à l’Ecole Nationale d’Agronomie sur les troubles de l’apprentissage, les inégalités d’accès aux orthophonistes sont importantes d‘une région à l’autre.
En outre, les délais d’attente sont parfois très longs pour les adultes. Des travaux qu'elle a menés en Picardie ont par exemple montré qu'un adulte qui souhaite prendre rendez-vous attend au minimum huit mois ou n'est tout simplement pas pris en charge.
Les adultes n’ont de plus accès aux centres référents. Rattachés aux CHU, ces lieux de diagnostic et de suivi sont clés dans la stratégie d'accompagnement des dyslexiques, mais ils sont seulement accessibles aux malades âgés de moins de 15 ans. Au delà, la personne doit suivre une procédure différente pour obtenir un dépistage, en alertant son médecin traitant, qui le dirigera ou non vers un spécialiste.
Adapter les pratiques aux adultes
Autre difficulté : adapter les pratiques des orthophonistes aux adultes récemment diagnostiqués. La prise en charge est en effet très différente de celle des enfants et des adultes diagnostiqués pendant l’enfance. Elle est plus personnalisée, car elle doit prendre en compte les acquis des patients. Magali Dussourd-Deparis estime qu’il n’est jamais trop tard pour proposer des soins à un adulte, mais l’orthophoniste devra faire tout un travail pour prendre en compte les spécificités de ce patient.
Pour mieux accompagner ces adultes, l’élaboration de stratégies de compensation avec le praticien est au cœur du parcours de soins. Au lieu de travailler l’acquisition des notions de lectures et d’écriture, les orthophonistes vont insister sur les outils technologiques à disposition de l’adulte pour rendre son quotidien plus simple, notamment au travail.
Car c'est justement dans le cadre de la vie professionnelles que les impacts se font le plus ressentir pour les adultes dyslexiques. Point positif : au delà de situations individuelles parfois dramatiques, Laetitia Branciard estime que les entreprises sont de mieux en mieux sensibilisées aux problématiques de la dyslexie. Et la technologie constitue de vraies opportunités, permettant d’aménager les postes en fonction des besoins, par exemple en installant des logiciels de dictée vocale.
La dyslexie mieux prise en compte et mieux diagnostiquée
En 2001, un projet interministériel se penche sur les troubles du langage et de l’apprentissage. Le but : élaborer un plan d’action, «le plan langage», pour une meilleure prise en charge des enfants dysphasiques et dyslexiques. L’amélioration du diagnostic et la nécessité qu’il intervienne rapidement sont au cœur des préoccupations. « La qualité du repérage, du dépistage et du diagnostic d’enfants porteurs d’un trouble spécifique du langage, constitue une étape essentielle et déterminante pour définir les meilleures conditions d’une prise en charge individualisée », souligne le rapport publié à cette occasion.
Pour remplir cet objectif, professeurs des Ecoles et professionnels de la santé étaient invités à s’associer. Une disposition reprise par l’Académie de Médecine, : « L’Académie nationale de médecine recommande de renforcer les liens et généraliser une collaboration étroite entre les compétences médicales et pédagogiques de manière à dépister le plus tôt possible les troubles neurocognitifs et plus spécialement, les troubles spécifiques des apprentissages ».
En 2005, la loi sur le handicap le définit comme une « limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans un environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques». La dyslexie est comprise dans le champ de la loi en tant qu'un handicap cognitif à part entière, ce qui permet de mettre en place des mesures pour les jeunes, en leur accordant par exemple un tiers temps pour effectuer leurs travaux scolaires.