A Saint-Remy en Meurthe-et-Moselle

Journée Alzheimer : des jardins thérapeutiques fleurissent en région

Un potiron, une vigne et un poirier au milieu d'une maison de retraite. Les jardins thérapeutiques aident les malades d'Alzheimer à se sentir plus détendus.

  • Par Audrey Vaugrente
  • Audrey Vaugrente/ Pourquoidocteur
  • 21 Sep 2015
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    Entre plantes aromatiques, arbres fruitiers et plants de légumes, un groupe de retraités profite du soleil qui perce entre les nuages. La scène se déroule à l’arrière de la maison de retraite Saint-Remy (Nancy, Meurthe-et-Moselle), où s’étendent 200 m2 de jardin. Quelques grillages délimitent un espace où fruits et fleurs s’épanouissent.
    Cette zone dépend de l’unité de vie protégée où vivent 9 résidents atteints de la maladie d’Alzheimer. Son nom officiel : jardin de vie à visée thérapeutique. Car si aucun traitement médicamenteux n’existe pour cette pathologie, les approches parallèles sont en plein développement. Les jardins thérapeutiques en font partie. Sans chercher à guérir la maladie, ils améliorent le bien-être des patients déments.
    Visite d’un espace vert pas comme les autres, créé le 15 octobre 2012 par Philippe Pauchard, co-fondateur de Terramie.

    Pas de formes saillantes

    Au cœur du jardin thérapeutique de l’EHPAD (Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) Saint-Remy, les poules et les plantes côtoient les malades d’Alzheimer. Tous les 12 mètres, des bancs leur permettent de se reposer.

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    Philippe Pauchard, co-fondateur de Terramie et du jardin de Saint-Remy : « On avait la chance d’avoir un verger existant. L’idée était de garder la transparence du jardin et d’occulter la vue sur le parking. Les pieds de vignes permettent à chacun d’en profiter. »


    Ce jardin thérapeutique répond à plusieurs exigences spécifiques à la maladie d’Alzheimer. Les travaux s’inspirent des projets déjà réalisés aux Etats-Unis, en Suède et au Japon, exemples en la matière. Au sol, aucune butée ni aucune marche qui puisse faire trébucher les résidents.
    « On n’a pas le droit à l’erreur, souligne Philippe Pauchard. Il faut être très rigoureux sur la finition du jardin. Il ne faut pas non plus de plantes toxiques, de feuilles ingérables. » L’équipe de paysagistes doit même se montrer attentive aux couleurs et aux formes choisies : pas de formes saillantes ou de couleur noire, source de blocage pour les malades. Ces derniers ont d’ailleurs participé à l’élaboration du jardin lui-même.

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    Erwine Roger, aide médico-psychologique : « On a été chercher ce qu’il fallait avec un résident. Ils ont choisi où on mettait les pieds de potiron, les tomates cerises… Le jardin, c’est une pièce de la maison. »

    Réduire la tension

    « Il y a toujours quelqu’un qui va se promener, qui nettoie, qui arrache une petite herbe. Les résidents se sentent bien, ils s’approprient le jardin », se réjouit Erwine Roger. A ses côtés, un patient atteint d’Alzheimer qui apprécie particulièrement ce coin de verdure. « Pour ce qu’il est, il ne peut pas être mieux », commente-t-il. Et de fait, quelques minutes plus tard, l’homme, coiffé d’un béret, prend le soleil le long d’un mur.

    Ce bien-être observé sur le terrain se traduit aussi dans la littérature scientifique. Une méta-analyse, parue en 2012, conclut que « la vue quotidienne d’un environnement naturel, ou un accès aux jardins, peut favoriser la guérison et réduire la tension. » Les malades se montrent moins agités, moins agressifs et surtout plus autonomes. Un simple accès par une porte non verrouillée se montre bénéfique, ce que confirme Erwine Roger.

    L’autonomie, c’est un des maîtres-mots de la conception des jardins thérapeutiques. « Dans la mesure du possible, on souhaite que les familles et les résidents puissent effectuer les petites tailles dans le cadre des ateliers, explique Philippe Pauchard. On explique dans les formations que chaque atelier peut être réalisé dans le jardin. Le kiné peut très bien faire des exercices en extérieur, d’autres soignants peuvent sortir avec les personnes et communiquer dehors. »

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    Philippe Pauchard : « Les formations sont indispensables pour expliquer aux soignants comment ils peuvent utiliser le jardin comme un outil. C’est plus facile de communiquer en extérieur. »

    A perfectionner

    Sur le papier, le jardin thérapeutique semble donc un outil prometteur. Mais « il faut pouvoir dégager des disponibilités du personnel, rappelle Patrick Messein, directeur de l’EHPAD Saint-Remy. Nous avons besoin en permanence de permettre à chaque collaborateur de s’investir pleinement. Au quotidien, il y a de nombreuses journées où aucune activité n’est organisée dans le jardin. » Dans les faits, ça n’est pas toujours évident. Il regrette, par exemple, l’absence d’étiquettes didactiques sur les différentes plantes. « Les étiquettes font partie des activités qu’on peut mettre en place durant la période hivernale, lui conseille Philippe Pauchard. Cela fait partie des ateliers pour que les résidents s’investissent. »

    Les jardins thérapeutiques ont été évoqués dans le dernier Plan Alzheimer, mais les moyens financiers manquent toujours. Le ministère de la Santé a également réclamé à l’entreprise de Philippe Pauchard des données chiffrées sur leur utilisation. Un écueil majeur : très peu d’études s’intéressent à l’effet de cette approche en plein développement.

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