30 000 personnes en France
Autotest VIH : dépister les séropositifs qui s'ignorent
Dès ce mardi, toutes les pharmacies de France pourront proposer l'autotest VIH. Les usagers ne seront pas abandonnés face à leurs résultats, un numéro vert a été mis en place.
Annoncés pour fin 2014, les autotests de dépistage du VIH arrivent enfin en France. Fiables à 99 %, ils n’ont pas vocation à remplacer les tests traditionnels par voie sanguine ou les tests rapides d’orientation diagnostique (TROD). Mais ce sont des outils supplémentaires et surtout complémentaires de ceux existant déjà. Ils pourraient notamment permettre d'améliorer le dépistage des 30 000 séropositifs qui s’ignorent.
« A partir du moment où l’on admet que l’épidémie de Sida se poursuit, tout ce qui peut favoriser le dépistage et les dépistages précoces pour une meilleure prise en charge et éviter les infections secondaires doit être pris en compte, affirme à Pourquoidocteur Jean-François Delfraissy, directeur de l’Agence nationale de recherche sur le SIDA et les hépatites virales (ANRS). Les autotests sont donc un outil utile, même si ce n’est pas la panacée ».
Vendu entre 25 et 30 euros, cet autotest permet de détecter en 15 minutes la présence d’anticorps contre deux souches du VIH (VIH-1 et 2), grâce au prélèvement d'une seule goutte de sang, au bout du doigt. Pour un résultat fiable, le test doit être réalisé 3 mois après la situation à risques (rapport sexuel non protégé, piqûre avec une seringue souillée…). En cas de résultat positif, les utilisateurs devront faire confirmer le diagnostic par un test conventionnel.
Des usagers accompagnés
Malgré tout, certains professionnels de santé avouent leur réticence face à ces tests. Jean-François Delfraissy était l’un d’eux. « Je me questionnais sur leur fiabilité, et étais mal à l’aise à l’idée de laisser un jeune découvrir seul sa séropositivité dans sa chambre, explique-t-il. Et puis j’ai changé d’avis. Avoir le VIH n’est plus un arrêt de mort immédiat comme il y a de 30 ans. C‘est une prise en charge médicale d’une future maladie chronique. »
Par ailleurs, les utilisateurs de ces tests ne seront pas abandonnés à leurs résultats. « Sida Info Service a mis en place une ligne téléphonique disponible 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, rappelle Fred Bladou, responsable dans l’association AIDES. Les militants de AIDES sont sensibilisés et formés à l’annonce du résultat depuis des années avec les tests rapides. Donc bien évidemment que les personnes qui viendront nous voir ou nous contacteront seront accompagnées ». Le numéro vert sera d’ailleurs indiqué dans la notice du kit de dépistage et les associations pourront également proposer l’autotest.
Des professionnels informés
En plus de cette initiative, les agences sanitaires comme la Haute Autorité de Santé (HAS) ou l’Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes) ont émis des recommandations et réalisé des brochures d’information pour répondre aux interrogations des praticiens et professionnels de santé. Mais encore faut-il oser en parler avec les patients.
Du côté des médecins, en particulier les généralistes, la sexualité et les comportements à risques ne sont pas toujours facilement abordés. « Pourtant, les gens à dépister viennent dans les cabinets, souligne François Marion, médecin généraliste à Grenoble et membre du groupe d’experts ayant participé à l’écriture des recommandations de la HAS. On a du mal à imaginer qu’un patient dont on est le médecin de famille, ait des comportements à risques. De plus, connaître quelqu’un depuis longtemps est un handicap. Ils n’osent pas nous dire des choses que l’on ne savait pas ».
Quant aux pharmaciens, certains ont confié à Pourquoidocteur qu’ils ne commanderaient pas les autotests, car ils n’ont jamais eu de demandes. Pourtant, ils jouent un rôle essentiel dans la prévention de cette infection sexuellement transmissible. Mis à disposition sur le comptoir de chaque pharmacie de France, ce test est censé être accessible à tous, « afin que les patients les plus à risques mais surtout les plus éloignés du dépistage en bénéficient en priorité », souligne le ministère de la santé, qui a demandé à ce qu’une évaluation scientifique soit réalisée pour mesurer l’efficacité du dispositif.