Etude britannique
Alzheimer : les spécialistes sur la piste d'une forme de transmission
Pour la première fois, des chercheurs montrent que des protéines impliquées dans l'Alzheimer pourraient être transmises, dans certaines conditions.
Les travaux de l’équipe de John Collinge et Sebastian Brandner, publiés ce jeudi dans la revue Nature, pourraient marquer un tournant dans la compréhension de la maladie d’Alzheimer. Les chercheurs britanniques y démontrent, pour la première fois chez l’homme, que le développement de la maladie neurodégénérative pourrait être déclenché par des protéines exogènes ; il pourrait donc exister une certaine forme de transmission de la maladie.
Des similitudes avec les maladies à prions
« Les chercheurs présentent ici les preuves que des modifications cérébrales spécifiques de la maladie d’Alzheimer ont été transmises entre humains », déclare Mathias Jucker, spécialiste de la maladie, dans un éditorial paru lui aussi dans Nature. De là à conclure que la maladie serait transmissible, il n’y a qu’un pas… à ne pas franchir !
Les travaux britanniques viennent cependant confirmer chez l’homme, une hypothèse que Mathias Jucker avait lui-même échafaudée, sur la base de travaux menés chez des souris.
« Mathias Jucker a montré que des souris auxquelles on avait injecté des extraits de cerveau de patients atteints d’Alzheimer, pouvaient développer, au bout d’un certain temps, des plaques amyloïdes », rappelle le Pr Philippe Amouyel, directeur général de la Fondation Plan Alzheimer.
L’injection de fragments de protéines amyloïdes – des « graines » – pourrait donc déclencher une réaction en chaîne, similaire à ce que l’on observe dans les maladies dites « à prions », telles que la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Au contact de ces « graines », la structure des protéines saines serait modifiée, entraînant à terme la formation de plaques.
Autopsie de 8 cerveaux
Les chercheurs britanniques sont parvenus, cette fois-ci, à des conclusions similaires chez l’homme. Pour cela, ils ont analysé le cerveau de huit patients décédés des suites de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, après avoir été traités avec de l’hormone de croissance. Or à cette époque, l’hormone de croissance n’était pas encore synthétique, mais extraite de cerveaux de cadavres.
Chez quatre des huit patients, les scientifiques ont été surpris de découvrir des dépôts de protéines amyloïdes, semblables à ceux qui surviennent dans la maladie d’Alzheimer. Or ces patients étaient trop jeunes pour être déjà atteints de la maladie. De plus, il n’y avait dans ces cerveaux aucune anomalie des protéines Tau, pourtant caractéristique de la maladie d’Alzheimer.
« Il est donc possible que les extraits des cerveaux avec lesquels ces patients ont été traités aient contenu des « graines » d’amyloïde », explique Philippe Amouyel.
Ces travaux ne montrent cependant pas un caractère transmissible de la maladie, mais au mieux, des protéines amyloïdes, sources de plaques. « La maladie d’Alzheimer n’est pas contagieuse », insistent les auteurs de l’étude, qui soulignent que jusqu’ici, aucune étude épidémiologique n’a suggéré un risque de transmission, par transfusion sanguine, notamment.
Cependant, ils rappellent aussi que les « graines d’amyloïde » adhèrent sur les instruments en métal, et résistent aux protocoles standard de stérilisation. Des données qui pourraient amener à reconsidérer le risque de propagation des ces protéines.