Simulation mathématique
Cancer : la modélisation 3D permet d'observer l'évolution des tumeurs
Pour mieux appréhender l'évolution des tumeurs cancéreuses, des chercheurs développent des modèles mathématiques 3D et des tissus synthétiques reproduisant l'environnement tumoral.
Pour combattre le cancer, les sciences unissent leurs forces. Biologie, mathématiques, physique ou encore ingénierie, les scientifiques combinent leurs connaissances pour créer des modèles reflétant la croissance tumorale, capables de prévoir le comportement cellulaire face à une thérapie ou étudier les modifications génétiques.
Mais depuis des années, les chercheurs sont confrontés à un dilemme : soit ils utilisent des modèles mathématiques qui rendent compte de la structure 3D de la tumeur, mais qui ne permettent pas d’étudier la variabilité génétique, soit des simulations présentant fidèlement l’évolution tumorale, mais pas la dimension spatiale.
Un problème désormais résolu, selon des travaux publiés mercredi 26 août dans la prestigieuse revue Nature. Des chercheurs américains des universités d’Harvard et Johns Hopkins en collaboration avec une équipe de l’université d’Edimbourg (Ecosse) ont mis au point, à l’aide d’un algorithme mathématique, le premier modèle de tumeur solide simulant la croissance tumorale en 3D et l’évolution génétique.
Evaluer la résistance aux traitements
Grâce à la précision de leurs calculs, cette simulation informatique permet d’observer la naissance d’une tumeur maligne à partir d’une cellule cancéreuse tout en décrivant les modifications génétiques qui surviennent lors de la multiplication anarchique des cellules.
Ils ont découvert que les mouvements au sein de la tumeur et le renouvellement cellulaire permet aux cellules cancéreuses les mieux adaptées à leur environnement de proliférer. Ces observations expliqueraient pourquoi les tumeurs sont généralement composées d’un type cellulaire tandis qu’un tissu sain en contient plusieurs.
Par ailleurs, ces mécanismes migratoires apportent un éclairage nouveau sur la résistance aux traitements. Les cellules qui n’ont pas été détruites par la chimiothérapie par exemple peuvent rapidement se répliquer et reconstituer la tumeur. Les thérapies ciblant ces mouvements microscopiques pourraient alors limiter la progression tumorale, suggèrent les auteurs.
« La mobilité cellulaire permet au cancer de se développer rapidement et aux cellules cancéreuses de partager des mutations communes, explique Martin Nowak, professeur de mathématiques et de biologie à l’université d'Harvard. Elle est aussi responsable de l’apparition des résistances aux traitements. Je pense, en outre, que la dissémination métastatique, qui tue les patients, est une conséquence de la migration au sein de la tumeur. »
Microenvironnement artificiel
Les modèles 3D permettent aussi de mieux comprendre pourquoi l'environnement tissulaire de la tumeur joue un rôle fondamental dans sa capacité à évoluer et croître. De fait, les cellules cancéreuses ne peuvent se multiplier que si elles ont la place pour le faire. Une dimension centrale qui a justement fait l’objet d’une publication jeudi 27 août dans Advanced Materials, dans laquelle des chercheurs de l’université de l’Illinois rapportent avoir mis au point un tissu synthétique reproduisant l’environnement d’une tumeur.
Pour cela, ils ont utilisé un liquide souple, appelé hydrogel, dans lequel ils ont placé des cellules cancéreuses issues d’une tumeur du sein et des macrophages, des cellules immunitaires favorisant la croissance et la diffusion des cellules tumorales.
Dans cet environnement beaucoup plus proche de la réalité qu’une boîte de Petri plate et en plastique dur, ils ont pu observer les différentes interactions entre le microenvironnement et la tumeur pour survivre et se développer.
Selon les auteurs, l’un des grands avantages de cette structure synthétique est sa capacité à représenter la taille et la forme du microenvironnement réel. Elle peut également appréhender la réponse aux traitements.
« La vision à long terme serait qu’un patient diagnostiqué pour un cancer subisse une biopsie tissulaire, laquelle serait placée dans ce microenvironnement artificiel afin de tester différents traitements », explique Joshua Grolman, un des auteurs de l’étude.