Ecole polytechnique fédérale de Lausanne
Le cerveau est moins compact que ce que l'on pensait
Les techniques de mesure du volume cérébral induiraient un biais, qui fausse la compréhension de son anatomie et de son fonctionnement.
Avec l’avènement des neurosciences, le besoin d’étudier le cerveau sous toutes ses coutures s’est grandement fait sentir. L’outil phare des chercheurs est le microscope électronique. Celui-ci permet un examen détaillé des cellules neuronales et de l’architecture cérébrale. Oui mais voilà, jusqu’à aujourd’hui la préparation nécessaire pour étudier le cerveau provoque son rétrécissement d’au moins 30 %. Les observations faites alors sont quelque peu faussées. Pour remédier à ce problème, des chercheurs suisses de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) ont mis au point une méthode de congélation, décrite dans le journal eLife, permettant de conserver intact cet organe.
Depuis des décennies, les scientifiques utilisent de l’aldéhyde pour « fixer » les tissus. Cette opération a pour but de stabiliser l’échantillon et bloquer toutes les réactions chimiques qui peuvent se dérouler dans les cellules. Or, cette méthode réduit le volume du cerveau. Les neurones paraissent alors beaucoup plus proches, la structure des vaisseaux est modifiée… Un problème résolu par la cryofixation. Un processus innovant mais qui ne date pas d’hier, puisque son origine remonte à 1965. Cette méthode améliorée utilise des jets d’azote liquide pour congeler instantanément le tissu cérébral à -90 °C. Les chercheurs l’ont testée sur des échantillons de cortex cérébral de souris.
Des connexions détruites
Grâce aux photographies en microscopie électronique 3D, les chercheurs ont pu comparer les images du cerveau gelé avec celles du cerveau fixé chimiquement. L’analyse a montré que ce dernier est beaucoup plus petit en volume et qu’il présente une perte significative d’espace entre les neurones. Les informations se transmettraient donc très rapidement. Par ailleurs, il apparaît que le nombre de connexions entre les neurones, aussi appelées synapses, est plus faible dans celui-ci que dans le cerveau cryofigé. Il est donc possible que la fixation chimique en détruise un nombre important. Enfin, les chercheurs ont également observé que les astrocytes, des cellules entourant les neurones, sont bien moins connectées aux cellules neuronales et aux vaisseaux sanguins.
Crédit : © Graham Knott/EPFL
Pour modéliser la compaction du cerveau, les chercheurs ont utilisé ces deux cubes. Le violet (à gauche) représente le volume réel du cerveau, conservé par la cryofixation, et le cube beige (à droite) illustre le rétrecissement provoqué par l'aldéhyde.
Anatomie préservée
Pour évaluer l’impact de ces découvertes, les chercheurs ont mesuré le temps qu’il faut à une molécule pour voyager d’un neurone à l’autre dans un échantillon gelé. A leur grande surprise, les temps mesurés dans l’échantillon et dans des études fonctionnelles concordaient. Une observation qui démontre que l’anatomie du cerveau est préservée par la cryofixation et déformée par la fixation chimique.
« Tout cela nous montre que la cryofixation à haute pression est une méthode idéale pour l'imagerie cérébrale. En même temps, elle remet en question les procédés d'imagerie antérieurs, que nous pourrions être amenés à réexaminer à la lumière de nouvelles données », explique Graham Knott, co-auteur de ces travaux. L’équipe de recherche s’attache maintenant à utiliser cette technique sur d’autres parties du cerveau mais également sur d’autres types de tissus.