Pratique industrielle

Pénurie de médicaments : la pratique du "contingentement" en question

Une part des ruptures de stock de médicaments serait liée à une pratique qui a cours dans l’industrie pharmaceutique : le contingentement.

  • Par Marion Guérin
  • WITT/SIPA
  • 10 Aoû 2015
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    Le problème n’est pas nouveau : en France, des pénuries de médicaments se déclarent ça et là. Bien souvent – et de plus en plus –, des pharmacies ne parviennent pas à délivrer certains médicaments à leurs patients, faute de stocks. Le quotidien Le Parisien revient ce matin sur ce phénomène, qui, bien que maîtrisé, n’en est pas moins alarmant.

    Car ces tensions d’approvisionnement ont des causes multiples, dont certaines sont évitables. Elles révèlent toute la difficulté qu’il y a à concilier les impératifs de santé publique et ceux de l’industrie pharmaceutique, fondés sur une économie de marché.

    Eviter les distorsions concurrentielles

    En effet, outre le manque de matières premières, l’augmentation de la demande ou encore les incidents survenus dans les chaînes de production et de distribution, les ruptures de stock trouvent leur cause dans un procédé employé dans le secteur pharmaceutique : le contingentement des médicaments.

    Cette pratique, instaurée dans les années 1990 par les laboratoires pharmaceutiques, consiste à limiter les stocks vendus aux grossistes-répartiteurs, qui distribuent les médicaments aux officines. L’objectif : empêcher que ces grossistes ne revendent le surplus de marchandise à l’étranger, où ils pourraient se faire des marges et concurrencer les laboratoires.

    Une forme d’omerta entoure ces quotas, selon les grossistes qui les attaquent régulièrement devant les tribunaux et dénoncent l’opacité qui régit ces restrictions. Plusieurs centaines de médicaments – entre 500 et 600, selon Le Parisien – seraient concernés par cette pratique.

    Médicaments d’intérêt thérapeutique majeur

    Selon l’Ordre des Pharmaciens, les traitements pour les pathologies du système respiratoire, digestif et cardiovasculaire, ainsi que les antibiotiques, sont les plus concernés par les pénuries, toutes causes confondues. Selon un calcul mené auprès de 2 700 officines, il y aurait eu 347 déclarations en mai 2015, dont 35 concernant des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MTIM).

    Difficile, pour autant, de quantifier la part imputable au contingentement imposé par les laboratoires. Il y a fort à parier que les médicaments les plus vendus en officine sont aussi ceux qui subissent ces quotas. Ainsi, une décision du Conseil de la Concurrence rendue en 2007 suite à une plainte de la Chambre syndicale de répartition pharmaceutique, met en lumière cette pratique au sein du laboratoire Pfizer. Le système de contingentement y a été instauré à partir de janvier 2001 « pour un médicament, puis pour 6 médicaments, qui représentent ensemble, en 2003, 53 % de ses ventes totales en officine », précise le compte-rendu.

    Ceci étant, selon l’ANSM, les difficultés de production seraient à l'origine de la majorité des ruptures qui affectent le territoire national. Le projet de loi santé prévoit de pallier, en partie, ces pénuries en instaurant une liste des MTIM, qui devront faire l’objet d'un plan de gestion des pénuries de la part des industriels.

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