Alzheimer association international conference 2015
Maladie d'Alzheimer : les troubles du sommeil peuvent accélérer le déclin cognitif
Les troubles du sommeil sont fréquents chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Si la maladie est connue pour altérer la qualité du sommeil, de plus en plus d’arguments suggèrent que la relation est à double sens. A l’occasion du congrès annuel de l’Association américaine sur l’Alzheimer (AAIC), plusieurs équipes de recherche ont présenté leurs derniers travaux sur ce thème. Parmi elles, les chercheurs du Centre Mémoire Ressources Recherche de Montpellier, qui s’intéressent au rôle joué par une protéine, l’orexine, dans le développement du déclin cognitif.
Des liens bidirectionnels
Parmi les symptômes associés à la maladie d’Alzheimer, les troubles du sommeil sont connus de longue date. Les patients se plaignent souvent d’une qualité de sommeil dégradée, avec des nuits de plus en plus fragmentées. « On observe aussi parfois des syndromes d’apnée du sommeil ou des hypoxies nocturnes, explique le Dr Audrey Gabelle, responsable du Centre Mémoire Ressources Recherche de Montpellier. Dans les phases avancées de la maladie, il n’est pas rare de constater des inversions des cycles jour/nuit ». Les modifications cérébrales induites pas la dégénérescence, notamment les dépôts d’amyloïde, auraient ainsi un impact sur la régulation du sommeil.
Mais les troubles du sommeil pourraient eux-mêmes avoir un rôle dans le développement de la maladie d’Alzheimer, et d’autres maladies neurodégénératives. C’est du moins ce que suggèrent les travaux récents de plusieurs équipes de recherche. « Des études expérimentales et épidémiologiques soulignent l’importance du sommeil et des molécules qui le régulent, peuvent influer sur les dépôts amyloïdes et les échanges synaptiques », explique Audrey Gabelle. Les relations entre sommeil et Alzheimer sont donc bidirectionnelles.
L’orexine, ou hypocrétine, une des substances produites par le cerveau pour réguler le sommeil, en particulier les cycles veille/sommeil, fait l’objet d’études au Centre Mémoire Ressources Recherche de Montpellier. « L’altération des cycles de sommeil joue un rôle dans le dépôt d’amyloïde, et dans ce cadre, doser l’orexine dans le liquide céphalo-rachidien des patients pourrait avoir un intérêt majeur », explique le Dr Gabelle. Selon les chercheurs, l’orexine pourrait à la fois être un indicateur dans le diagnostic très précoce de la maladie d’Alzheimer, et un marqueur pronostique du déclin cognitif.
Effets ambivalents des médicaments
Toutes les études d’observation sur des populations le montrent : les modifications de la qualité du sommeil est un facteur d’aggravation des pathologies neurodégénératives. « Les troubles du sommeil accélèrent le déclin cognitif et c’est pour cela qu’il est très important de les dépister et de les prendre en charge au stade le plus précoce, » souligne le Dr Gabelle.
Le recours à des médicaments est fréquent pour améliorer la qualité du sommeil. C’est une des indications de prescription des benzodiazépines, qui sont cependant sur la sellette depuis qu’une étude danoise a associé prise chronique et augmentation du risque de démence. « Il existe des données qui associent Alzheimer et benzodiazépines, admet Audrey Gabelle. Mais la relation est plus complexe que cela, difficile notamment de savoir si ce sont les médicaments ou les troubles du sommeil contre lesquels ils sont prescrits, qui sont responsables de cette relation. »
D’autres travaux ont mis en évidence un effet bénéfique de certains traitements pour le sommeil, et d’anesthésiants, chez des souris souffrant de maladies neurodégénératives. « Ces molécules agiraient en améliorant la clairance, c’est-à-dire l’élimination des protéines pathologiques (tau, amyloïde) du cerveau », précise la neurologue.