Hospitalisé au CHU de Tours
Enfant atteint du tétanos : la piste du certificat de complaisance
Depuis des semaines, un garçon est hospitalisé à Tours, atteint du tétanos. Sur son carnet de santé figurait la mention d'une vaccination. Les spécialistes n'y croient pas et pensent plutôt à un certificat de complaisance signé par un médecin.
- Hôpital pédiatrique Gatien de Clocheville, Capture d'écran de la page Facebook du CHRU Tours
Après la diphtérie en Espagne, c'est une autre maladie qu'on a peu l'habitude de voir qui refait surface. Depuis plusieurs semaines, un garçonnet de huit ans est hospitalisé en réanimation au CHU de Tours, après avoir été infecté par le tétanos. Sur son carnet de santé figurait pourtant la mention d'une vaccination contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTpolio), obligatoire pour un enfant de cet âge.
Plus troublant encore, les premiers éléments biologiques disponibles concluent que l'enfant n'aurait pas été vacciné. Aucune trace en effet, dans le sang de l'enfant, d'anticorps antitétaniques ou d'anticorps antidiphtériques. Face à ces éléments, plusieurs questions se posent. S'agit-il d'une anomalie médicale ? Ou bien un médecin a-t-il rédigé un certificat de complaisance ? Pourquoidocteur apporte des éléments de réponse.
Pas d'anticorps : "techniquement impossible"
Contacté par notre rédaction, le Pr Jean-Paul Stahl, chef du service Maladies infectieuses et Tropicales au CHU de Grenoble, affirme que « cette absence d'anticorps est techniquement impossible ». « Je pense que ce garçon n'a pas été vacciné. Ou alors, il faudrait qu'il soit extrêmement immunodéprimé, et encore », ajoute-t-il dubitatif.
Par ailleurs, ce spécialiste précise que « même si l'enfant n'a pas reçu les rappels, il devrait y avoir une trace de vaccination. Par exemple, avec des anticorps inefficaces ». Conclusion du Pr Stahl, « la piste du certificat de complaisance semble la plus plausible ».
Un sentiment partagé par le Dr Luc Duquesnel, Président de l'UNOF (1), la branche des généralistes de la CSMF (2). D'après ce médecin, les parents opposés à la vaccination seraient plus nombreux qu'avant dans son cabinet : « Avec certains généralistes encore réticents sur la vaccination, c'est une évidence que des parents doutent. Mais ils restent peu nombreux, au final », précise-t-il.
De son côté, Jean-Jacques Fraslin, créateur de l'observatoire des systèmes d'informations de santé Google+, a posté il y a quelques jours sur Twitter des captures d'écran de forums publiant des messages du type : « Bonjour à tous, je cherche un médecin qui serait contre les vaccins et qui accepterait de faire des certificats de contre indication ».
C'est ainsi que les familles anti-vaccins s'échangeraient les adresses des médecins acceptant de faire des faux, pour permettre la scolarisation des enfants non-vaccinés.
Une traque sur les forums pas éthique
Alors, face aux sympathisants des « ligues anti-vaccinales », beaucoup attendent une réaction de l'Ordre des Médecins. Interrogé par Pourquoidocteur, le Dr Jean-Marie Faroudja, Président de la section « Ethique et déontologie » du CNOM (3), rappelle qu'avant de sanctionner, « il faut avoir la preuve que le praticien fait bien de fausses attestations de vaccination ou de faux certificats de contre-indication ». « Or, bien souvent, les parents et le professionnel de santé sont complices dans cette affaire », fait remarquer le Dr Luc Duquesnel, ce qui complique l'identification des médecins qui dérogent au code de déontologie.
Une entente des plus irrationnelles lorsqu'on connaît les dangers auxquels s'expose un enfant échappant à certaines vaccinations. « Le tétanos est gravissime. L'enfant actuellement hospitalité à Tours risque de mourir. Au mieux, il s'en sortira avec des séquelles motrices et neurologiques (déficit moteur central par exemple). C'est une aberration, car le vaccin DTpolio est efficace à 99,9 % et sans danger », martèle le Pr Stahl.
De 15 jours à 6 mois d'interdiction d'exercer
Le Dr Jean-Marie Faroudja rappelle que les certificats de complaisance sont contraires aux dispositions du Code de déontologie médicale et donc au Code de la santé publique. « Ces médecins (en infraction vis-à-vis de la loi) s'exposent donc à des pousuites par les instances juridictionnelles de l'Ordre. Les sanctions vont de quinze jours à six mois d'interdiction d'exercer (avec ou sans sursis). Cela en fonction de l'importance et des circonstances particulières du délit », conclut-il.
A ce jour, d'après La Nouvelle République, deux enquêtes ont été ouvertes (administrative et judiciaire). Et l'Institut médico-légal aurait été diligenté pour examiner l'enfant. Sa fratrie, quant à elle, aurait été vaccinée en urgence. Le jeune garçon, lui, est toujours hospitalisé en soins intensifs.
(1) Union Nationale des Omnipraticiens Français
(2) Confédération des Syndicats Médicaux Français
(3) Conseil National de l'Ordre des Médecins