D'après l'histoire de Fabrizio Pulvirenti

"E-bola" : une superproduction pour informer sur l'épidémie

Tout le monde en entend parler, mais peu de gens savent de quoi il en retourne. Pour remettre les points sur les "i", un producteur italien lance le premier film combinant information et formation sur Ebola.

  • Par Audrey Vaugrente
  • Extrait du film e-bola (Falcon Production Limited)
  • 16 Jul 2015
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    Quand le divertissement de masse devient un support de formation. Le film E-bola, réalisé par l’Italien Christian Marazziti, est une œuvre de fiction. Mais les événements s’inspirent directement de l’épidémie que subit l’Afrique de l’Ouest depuis décembre 2013, et du vécu du Dr Fabrizio Pulvirenti – médecin urgentiste italien qui a contracté Ebola en Sierra Leone. Le long métrage (82 minutes) suit une équipe de recherche internationale qui tente de mettre au point un traitement contre la fièvre hémorragique virale. L’un des scientifiques, qui revient de Sierra Leone, contracte la maladie et marque le départ d’une course contre la montre et l’épidémie.

    Un manque de formation

    Le producteur Massimo Tortorella est à l’origine de ce programme. En tant que PDG du Groupe Consulcesi – qui propose de la formation à distance aux médecins italiens –, il a pour habitude de proposer des vidéos formatives. « Un jour, il m’a appelé pour me parler d’un projet qui utiliserait le cinéma pour informer et former, se souvient Christian Marazziti, réalisateur du long métrage contacté par Pourquoidocteur. Tout le monde parlait du virus Ebola, mais peu de personnes avaient réellement les outils pour faire face à cette menace. »


    C'est le constat d'un cruel manque d'information, du grand public comme des médecins, qui a justifié la mise au point du projet E-bola. Fabrizio Pulvirenti est médecin urgentiste. Il s’est rendu en Sierra Leone, où il a été infecté. Son témoignage a servi d’appui à l’écriture du scénario. Aujourd’hui, il reste très engagé en faveur de la formation. « Il aurait fallu en faire plus, y compris dans les pays où les premiers cas n’ont pas été reconnus, témoigne-t-il. C’est l’une des causes de cette épidémie. Le virus a emprunté des autoroutes et pris des proportions inégalées. Transporter nos systèmes de détection et de formation est un atout. »

    Faire appel aux experts

    Outre le problème de l'information, la formation autour d’Ebola fait aussi défaut. Le diagnostic étant posé, il reste maintenant à trouver une solution. Pour Massimo Tortorella, elle est évidente : proposer une formation à distance gratuite qui pourra atteindre un maximum de soignants. Mais le produit doit être agréable. « Nous avons voulu travailler aux côtés des experts tout en faisant appel à ceux qui savent le mieux communiquer, les acteurs », précise le producteur.


    Christian Marazziti, réalisateur (au fond à gauche), en compagnie des acteurs, de Massimo Tortorella, producteur (au fond au milieu) et du Dr Fabrizi Pulvirenti, médecin urgentiste qui a contracté Ebola (devant au milieu). (Crédit : DR)
    Les scientifiques à l’écran sont donc des comédiens. Mais les pointures de l’infectiologie en Italie ont participé à l’élaboration du scénario et des dialogues. « Tout le film apporte du contenu scientifique, insiste Françoise Jourdan, co-productrice du film. Tout a été contrôlé et approuvé par des spécialistes et les structures de santé. C’était très important pour nous. » Consulcesi a donc fait appel à l’Institut des maladies infectieuses Lazzaro Spallanzani, mais aussi au Service sanitaire de l’Armée de l’air. Résultat : le projet a reçu la bénédiction des ministères italiens de la Santé et des Affaires étrangères.

    3 questions à Christian Marazziti, réalisateur


    Comment avez-vous préparé le tournage ?

    Christian Marazziti : Je dois avouer que la préparation du tournage n'a pas été facile du tout. C’est un film de fiction, et il entend aussi s'adresser directement aux médecins et professionnels avec des informations scientifiques précises. J'ai été épaulé dans chaque étape par l'Institut des Maladies Infectieuses Spallanzani ainsi que par les experts de l'Université « La Sapienza » de Rome. Je remercie tout personnellement le docteur ès sciences Giuseppe Ippolito et le médecin urgentiste Fabrizio Pulvirenti.


    Quel message souhaitez-vous transmettre avec ce film ?

    Christian Marazziti : Ebola, le coronavirus MERS et autres pandémies émergentes ont des façons similaires de se répandre. Dans un monde où les gens sont effrayés par la diversité, le danger que peut représenter l'autre, j'avais envie de raconter une histoire qui montre que, dans des situations comme la lutte contre un virus et la recherche d'un vaccin, il n'y a que le travail d'équipe, l'échange de connaissances entre personnes de différentes nationalités qui peuvent nous permettre d'avancer. Nous avons conçu E-bola comme un film destiné à informer tout en divertissant, mais c'est aussi et surtout un support qui a, je pense, une vraie valeur scientifique. C'est très stimulant de travailler sur un projet comme celui-là, qui ne se contente pas de raconter une histoire, mais qui éduque aussi.


    Quelles répercussions attendez-vous ?

    Christian Marazziti : Nous espérons tous que le projet aura la visibilité qu'il mérite. A partir du 15 juillet, il sera accessible à tous. Nous sentons déjà un réel intérêt de la part des distributeurs de films, des festivals et de la télévision, qui sont intrigués par l'originalité du concept. Nous avons hâte que le public et les professionnels du monde de la santé puissent le découvrir et se l'approprier.

    L’espoir des soignants

    A l’écran, cet investissement se ressent : malgré quelques faiblesses scénaristiques, le film rend compte avec précision du processus de prise en charge des patients infectés par Ebola. Elliot Lacroix (Paolo Bernardino), un des jeunes chercheurs, qui développe les symptômes, est extrait de son laboratoire dans un caisson d’isolement. Il y est transporté avec précaution jusqu’à une chambre à dépression. Avant chaque visite, les soignants s’habillent, par équipes de deux. Un processus long et fastidieux dont les différentes étapes sont respectées à chaque fois. La sortie de la chambre est tout aussi minutieuse et longuement détaillée.



    Le résultat a visiblement convaincu : projeté en avant-première au ministère de la Santé ce 15 juillet, le film a reçu de longs applaudissements. Pour Abdoulaye Traoré, conseiller économique auprès de l’Ambassadeur de la République de Guinée en Italie, les médecins en Afrique de l’Ouest pourront tirer un réel bénéfice de ce programme de formation à distance. « Pendant deux ou trois mois, personne ne connaissait la maladie. Les médecins confondaient parfois les signes d’Ebola avec le paludisme, estime-t-il. S’il y avait eu une connaissance avant, peut-être que ça n’aurait pas pris ces proportions, car on aurait pris des mesures urgentes. »

    Ecoutez...
    Abdoulaye Traoré, conseiller économique à l’Ambassade de la République de Guinée en Italie : « Cela permet de sensibiliser les professionnels de santé à cette épidémie. Tout le monde entend parler d’Ebola, mais beaucoup ne savent pas comment le prévenir, comment se déroule la lutte… »

    Mais « Ebola n’est que la partie émergée de l’iceberg des autres pandémies », rappelle Massimo Tortorella. Il a prévu d’autres projets utilisant la même articulation divertissement/formation. Deux films sont en tournage aux Etats-Unis, sur le cancer et la vaccination.

    E-bola (2015) est réalisé par Christian Marazziti et produit par Falcon Production Limited. Il est disponible gratuitement sur le site ebola-movie.com. A partir d’octobre 2015, les médecins français pourront également accéder à la plateforme de formation à distance. Elle se compose de 78 diapositives et 13 vidéos qui dispensent des connaissances pratiques et théoriques sur le virus Ebola. Les médecins qui répondront correctement à 23 questions sur les 32 posées à l’issue du cours obtiendront des crédits pour leur formation continue.

     

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