Etude de l'InVS

Souffrance psychique au travail : près d'un demi-million de Français concernés

En 5 ans, la souffrance psychique liée au travail a augmenté chez les salariés français. Selon l'InVS, ces pathologies toucheraient plus les femmes et augmenteraient avec l'âge.

  • Par Julien Prioux
  • LEMAIRE/ZEPPELIN/SIPA
  • 23 Jun 2015
  • A A

    Les chiffres français sont sans appel. Depuis plusieurs années, la souffrance psychique liée au travail prend de plus en plus d’importance dans les pathologies d’origine professionnelle. Pour l'estimer, des chercheurs ont utilisé les données issues du Programme de surveillance des maladies à caractère professionnel (MCP), afin de quantifier ce mal-être au bureau pour la période 2007-2012.

     

    Les femmes deux fois plus touchées

    Les résultats publiés ce mardi dans le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire (BEH) de l'Institut national de veille sanitaire (InVS) montrent un taux de prévalence de la souffrance psychique liée au travail deux fois plus élevé chez les femmes que chez les hommes (3,1 % chez les femmes contre 1,4 % chez les hommes en 2012). 
    Par ailleurs, les épidémiologistes révèlent que ce taux a augmenté sur cette période, aussi bien chez les femmes (+0,8 %) que chez les hommes (+0,3 %).

     

    Surtout des épisodes dépressifs

    Concernant les troubles dont souffrent les Français, l’épisode dépressif léger était, pour les hommes comme pour les femmes, le trouble le plus souvent rapporté par les médecins du travail jusqu’en 2010, avec plus d’un tiers des situations.
    Et à partir de 2011, ce sont les troubles anxieux et dépressifs mixtes qui ont été les plus rapportés pour les deux sexes, représentant plus d’un tiers des affections déclarées.

     

    Libération de la parole sur le burnout

    A côté de ces troubles, la part du burnout (épuisement professionnel), moins élevée jusqu'à présent, a augmenté sur la période 2007-2012 : +2,3 % chez les femmes et +2,4 chez les hommes.
    Face à ce constat, les auteurs apportent des réponses pour expliquer cette hausse générale de la souffrance psychique liée au travail. Ils écrivent qu’une « plus grande couverture médiatique de ces pathologies au cours de cette période amènerait à une plus forte sensibilisation des salariés à ce problème de santé publique, entraînant une libération de la parole auprès des médecins du travail. En parallèle, les médecins seraient plus enclins à les rapporter. »
    Ils rajoutent que : « l’augmentation observée du taux de prévalence de la souffrance psychique en lien avec le travail peut être mise en parallèle avec la détérioration des conditions de travail constatée ces dernières années, notamment celles liées à l’organisation du travail et aux relations entre collègues et avec la hiérarchie. »

     

    L’âge et la catégorie sociale liés à la souffrance psychique

    Enfin, dernier constat, la probabilité de signalement d’une souffrance psychique en lien avec le travail augmente avec l’âge, chez les hommes comme chez les femmes. Ainsi, elle est sept fois plus élevée pour les hommes âgés de 45 à 54 ans par rapport aux hommes de moins de 25 ans. Ce palier résulterait de l’effet dit du « travailleur sain ».
    Les salariés les plus âgés sont en effet plus souvent écartés de la vie active, notamment pour longue maladie ou pour incapacité ou invalidité. « Cet effet irait plutôt dans le sens d’une sous-estimation des taux de prévalence. Il n’est donc pas exclu que la prévalence puisse augmenter encore après 54 ans », précisent ces épidémiologistes. « Cette probabilité augmente également avec la catégorie sociale des ouvriers vers les cadres », font-ils aussi remarquer.

     

    Environ 480 000 salariés touchés 

    Au final, les auteurs estiment que l'analyse menée a permis d’approcher l’ampleur de la souffrance psychique liée au travail : « Cette pathologie touchait en 2012 plus de trois femmes actives salariées sur cent et plus de un homme actif salarié sur cent. Si ces chiffres étaient directement extrapolables à la population salariée de la France entière (presque 24 millions, source Insee), il est raisonnable d’estimer qu’environ 480 000 salariés seraient touchés », concluent-ils.

    Pour rappel, la souffrance mentale liée au travail ne figure dans aucun tableau de maladie professionnelle. En 2013, moins de 250 salariés présentant cette pathologie ont été indemnisés dans le cadre des CRRMP (1).

    (1) Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. Rapport de gestion 2013. Paris: CnamTS; 2015. 117 p.

    Pour laisser un commentaire, Connectez-vous par ici.
    
    -----