Congrès d'addictologie Albatros
Alcool : les enfants de trois ans, déjà fins connaisseurs
Les enfants de trois à six ans sont déjà capables d'identifier les noms de marque d'alcool et les situations sociales liées à sa consommation, selon une étude suisse présentée au congrès d'addictologie Albatros.
Si jeunes, et déjà experts. En matière d’alcool, les tout-petits en connaissent un rayon. Tel est l’alarmant constat d’une étude menée en Suisse et présentée au Congrès d’Addictologie de l'Albatros, qui se déroule à la Maison de la Mutualité à Paris les 11 et 12 juin.
Alors que les députés français ont adopté un amendement pour assouplir la loi sur la promotion de l’alcool, Emmanuel Kuntsche, chercheur à Addiction Suisse (Lausanne), a exposé ce jeudi les résultats de travaux menés sur les 3-6 ans afin d’interroger leurs connaissances et leurs représentations sociales liées à l’alcool.
Des enfants formatés à boire ?
« L’idée m’est venue lorsque ma femme s’est servi une bière, un soir, explique Emmanuel Kuntsche à Pourquoi Docteur. Ma fille s’est exclamée : ‘mais tu n’as pas le droit ! C’est pour les papas, l’alcool !’ » Sidéré de constater les schémas préétablis de son enfant de 5 ans, le chercheur a décidé d’investiguer ce champ délaissé de la science.
Pour les besoins de l’étude, 310 enfants ont été recrutés et soumis à des jeux d’association par le biais d’un écran tactile. Des situations quotidiennes leur étaient présentées. Les sujets devaient déterminer ce que les adultes étaient en train de boire, selon les situations sociales (dîner, fête…).
Or, selon les résultats de ces tests, à l’âge de six ans, plus de quatre enfants sur cinq étaient capables de distinguer si une boisson contenait de l’alcool, et plus de la moitié identifiait le nom de la marque. « L’alcool constitue déjà une norme sociale à cet âge, ce qui pose la question d’un éventuel facteur de risques au moment de l’adolescence », précise Emmanuel Kuntsche. En fait, dès que l’enfant est en âge de parler et d’analyser, il se forge une représentation de l’alcool.
L’état d’ivresse identifié
Offrir une larme de vin au dîner à ses enfants, « pour éduquer le goût » comme on entend parfois, procède donc d’une banalisation dangereuse. « Ce n’est pas tant une question de dégât corporel, que de signal donné aux enfants, insiste Emmanuel Kuntsche. Même s’il ne s’agit pas pour les parents de boire en cachette ! ». De fait, ces résultats semblent indiquer la nécessité de limiter l’exposition des enfants aux produits alcoolisés, et surtout de diffuser des messages de prévention dès le plus jeune âge.
D’autant plus que ces jeunes sujets semblent déjà capables d’identifier la raison pour laquelle les adultes boivent. « Ils comprennent très rapidement que les fêtes sont associées à des quantités importantes d’alcool, par exemple. Ils perçoivent déjà que le but recherché est d’altérer son état ».
Pour déterminer si cette connaissance a un impact sur la consommation développée à l’adolescence et à l’âge adulte, le chercheur suivra cette petite cohorte à travers les années. Les résultats de cette étude devraient être publiés d'ici deux mois.