Etude dans The Lancet

Météo : le froid tue 20 fois plus que la chaleur

Les températures basses sont plus mortelles que les vagues de chaleur. Ce sont les températures moyennement fraîches qui tuent. 

  • Par la rédaction avec Audrey Vaugrente
  • Jeff Wheeler/AP/SIPA
  • 21 Mai 2015
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    La canicule mortelle de 2003 a laissé des traces indélébiles dans les esprits français. Mais ce ne sont pas les grandes chaleurs qui tuent le plus. Au contraire, les températures modérées, qu’elles soient chaudes ou froides, sont associée à davantage de décès, conclut une étude parue dans The Lancet. La mortalité s’envole plutôt lorsque le mercure descend.


    « On suppose souvent que les températures extrêmes sont à l’origine de la majorité des décès, et la plupart des études se sont concentrées sur les effets des vagues de chaleur », observe le Dr Antonio Gasparrini, principal auteur de cette étude.
    Pour vérifier cela, son équipe a analysé les causes de 74 millions de décès survenus entre 1985 et 2012. Afin de prendre en compte la variété des climats. Ils ont inclus des pays aussi variés que la Suède, la Thaïlande et le Brésil, sans oublier les latitudes moyennes (Royaume-Uni, Etats-Unis, Italie, Japon…).

    Des vaisseaux sanguins resserrés

    La température a été identifiée comme la cause d’un décès dans 7,71 % des cas. La part est très variable selon les pays : elle ne représente que 3 % des morts en Suède, en Thaïlande et au Brésil, contre 11 % en Chine, au Japon et en Italie.
    Mais dans tous les cas, c’est clairement le froid qui est le plus responsable de la mortalité (7,29 %) par rapport à la chaleur (0,42 %). Et les températures extrêmes n’ont qu’un rôle mineur, souligne le Dr Gasparrini : « En fait, la majorité de ces décès surviennent sur des journées modérément chaudes ou froides ; la plupart des décès sont causés par des températures fraîches. »

    Cette conclusion, une étude belge l’a également obtenue. Présentée en 2013 au Congrès européen de cardiologie (Amsterdam, Pays-Bas), elle a montré que les chutes modérées de température favorisent les infarctus du myocarde. Chaque chute de 10 °C est ainsi associée à une hausse de 7 % des hospitalisations. Ce sont bien les chutes brutales de températures qui sont en cause, selon les chercheurs.

    Lors de leur présentation, ils ont mis en cause un mécanisme de défense de l’organisme face au froid. Pour maintenir la température corporelle, la peau resserre le diamètre des vaisseaux sanguins périphériques. Cela augmente la tension artérielle, le rythme cardiaque et la viscosité du sang, favorisant la formation d’un caillot chez une personne à risque.

    Une expression saisonnière du génome

    L’autre explication provient peut-être d’une étude plus récente. Elle s’est intéressée à l’activité des gènes selon les saisons. Le génome de 16 000 personnes vivant au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, en Islande, en Australie et en Gambie a été passé au peigne fin. Les résultats, parus dans Nature Communications, montrent qu’un quart des gènes (5 000 sur 23 000) n’ont pas la même activité en été ou en hiver.

    Un gène a particulièrement attiré l’attention des auteurs de l’étude : ARNTL. Il est bien plus actif en été qu’en hiver. Or, des études chez la souris ont montré qu’il aide à inhiber l’inflammation. « C’est une découverte réellement surprenante, a déclaré le Pr John Todd, dernier auteur de l’étude. D’une certaine manière, c’est évident : cela aide à comprendre pourquoi tant de maladies (…) s’aggravent durant les mois hivernaux ; mais personne n’a évalué à quel point cela arrive réellement. »

    Redéfinir les mesures de santé publique

    Les auteurs de l’étude du Lancet appellent donc à une redéfinition des politiques de santé publique qui « se concentrent presque uniquement sur la minimisation des conséquences sanitaires des vagues de chaleur. » Un commentaire associé aux travaux appelle toutefois à la prudence.

    « Des facteurs tels que la susceptibilité et la résilience n’ont pas été inclus dans l’analyse, y compris le statut socio-économique, l’âge, et les polluants aériens. Avant de tenter de réduire les effets associés à la température, des études devraient être menées en profondeur sur l’interaction entre la mortalité attribuable à la température et les facteurs socio-économiques », écrivent Keith Dear et Zhan Wang, de l’université Duke Kunshan, en Chine.

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