Etude INSERM

Phagothérapie : les virus en alternative aux antibiotiques

Soigner une pneumonie en utilisant des virus spécifiquement sélectionnés, c'est ce qu'on réussi des chercheurs français. Un espoir pour pallier les résistances aux antibiotiques.

  • Par Dilan Fadime Yavuz
  • PURESTOCK/SIPA
  • 09 Mai 2015
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    Et si les antibiotiques ne pouvaient plus soigner ? Cette crainte se résume en un seul mot : l’antibiorésistance. Mais une alternative pourrait permettre de faire face à ce phénomène en pleine expansion, la phagothérapie. Une méthode qui consiste à détruire les bactéries grâce à des virus.
    Le 13 avril dernier, une équipe de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a publié les résultats d’une étude préclinique sur des souris démontrant l'efficacité de la phagothérapie pour lutter contre la pneumonie.
    Jean-Damien Ricard, chef adjoint du service de réanimation médico-chirurgicale de l’hôpital Louis Mourier à Colombes (Hauts-de-Seine), a mené le projet. Confronté dans sa pratique hospitalière aux infections nosocomiales qui parfois ne trouvent aucunes solutions thérapeutiques, il s’est intéressé à la bactérie E. coli, responsable entre autres de pneumonies sévères.

    Virus contre bactérie

    L'expérience a consisté à prélever, sur des patients sous assistance respiratoire et atteints d’infections nosocomiales, des bactéries E. coli, pour ensuite pouvoir trouver des bactériophages spécifiques. Ces « phages » sont des virus capables d'infecter les bactéries et de les tuer. Afin d'identifier des phages spécifiques de la souche bactérienne E.coli qui infectait les patients, les scientifiques ont « fouillé » dans les eaux usées des stations d’épuration ! Une approche courante pour identifier des virus adéquats.


    « On a isolé plusieurs dizaines de bactériophages et ceci nous aide à vérifier nos hypothèses sur des modèles expérimentaux, mais aussi à réfléchir à l’élaboration d’un cocktail de bactériophages de façon à avoir une couverture la plus large possible contre une bactérie », explique Jean-Damien Ricard.

    Ecoutez...
    Jean-Damien Ricard, praticien et adjoint au chef de service de réanimation médico-chirurgical de l’hôpital Louis Mourier à Colombes : « Ces bactériophages sont isolées à partir des eaux usées...»

    « On a isolé plusieurs dizaines de bactériophages et ceci nous aide à vérifier nos hypothèses sur des modèles expérimentaux, mais aussi à réfléchir à l’élaboration d’un cocktail de bactériophages de façon à avoir une couverture la plus large possible contre une bactérie », explique le chercheur.

    Les phages aussi efficaces qu’un antibiotique

    Une fois récoltés, les phages ont été testés sur trois groupes de souris infectées par la souche E.coli en question. Le premier groupe de souris n’a reçu aucun traitement, le second a inhalé une dose unique de phages et le dernier groupe a été traité avec un antibiotique de référence à forte dose.
    Alors que toutes les souris non traitées sont décédées des suites de l’infection, 100 % des animaux des deux autres groupes ont survécu. « Les bactériophages ont eu exactement la même efficacité qu’un antibiotique. Ce sont des résultats encourageants lorsqu’on essaye de trouver des alternatives aux antibiotiques », précise Jean-Damien Ricard. Par ailleurs, aucun effet indésirable n'a été observé dans le groupe de souris traitées avec des phages.

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    Jean-Damien Ricard, praticien et adjoint au chef de service de réanimation médico-chirurgicale de l’hôpital Louis Mourier à Colombes : « Ce qu'on envisage nous actuellement pour l'homme, ça pourrait être une application soit en instillation, soit en application topique...»

    L'essai clinique Phagoburn

    L’étude de la phagothérapie n’est pas nouvelle. Découverte par Frederick W Twort, en 1915 à Londres, elle a été isolée par le français Félix D’Hérelle en 1917. Mais à partir des années 1930, les phages tombent en désuétude, au profit des antibiotiques. Après trente ans d’oubli, la phagothérapie retrouve grâce aux yeux des chercheurs européens.

    Ainsi, le premier projet d’étude clinique en la matière s’intitule « Phagoburn ». Lancé en 2013, par le Service de santé des armées français, en collaboration avec le CHU de Lausanne (Suisse) et l’Académie militaire royale de Belgique, il a pour but d’appliquer un cocktail de phages sur les plaies infectées de 200 patients atteints de brûlures sévères. Ces cocktails, produits par deux entreprises françaises, sont spécifiques des bactéries E. Coli et Pseudomonas aeruginosa. L'essai clinique devrait commencer en juin prochain. Phagoburn bénéficie d’un soutien financier de la commission européenne à hauteur de 3,8 millions d’euros.

    Un traitement d’avenir

    Les recherches sur la phagothérapie reprennent à peine en Europe occidentale, et pourtant, plus à l'Est, la méthode est utilisée couramment. C'est le cas en Russie, mais surtout en Géorgie, où se trouve le Phage Therapy Center. Cet institut propose à des patients des traitements contre de graves infections bactériennes résistantes aux antibiotiques.
    « Actuellement, les bactériophages offrent une diversité quasi infinie dans la lutte contre les infections, explique Jean-Daminen Ricard. Si à l’avenir on se trouvait dans une impasse thérapeutique, parce qu’on n'a pas d’antibiotiques efficaces, on pourrait utiliser les bactériophages ».

    Actuellement, la médecine recense environ 6000 phages qui ne sont associés qu’à une seule bactérie. De quoi élargir le champ des recherches dans le traitement des infections bactériennes qui tuent chaque année en Europe plus de 25 000 personnes.
    Mais pour permettre une avancée plus rapides des recherches, il faudra que les autorités de santé accordent plus de crédit à cette méthode, et donc des moyens financiers.

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