Observatoire société des cancers

Cancer du sein : la difficile guérison psychologique après une mastectomie

20 000 mastectomies sont pratiquées chaque année. Mais trop de femmes ne bénéficient pas du suivi psychologique nécessaire. En cause : un manque de personnel et le mauvais remboursement.

  • Par Audrey Vaugrente
  • QMI / CATERS NEWS/SIPA
  • 23 Avr 2015
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    « Le retour du deuil du sein, je ne l’ai pas eu immédiatement. C’est en octobre, huit mois après mon opération, que j’ai fait une demande de soutien psychologique. » Marie a subi une mastectomie le 7 février 2014, comme 20 000 femmes atteintes de cancer du sein chaque année. Ce 23 avril, la Ligue contre le cancer publie son Observatoire sociétal des cancers (1). Dans un volet consacré à la reconstruction après l’ablation d’un sein, l’association évoque le défi psychologique que représente cette intervention salvatrice.

    Entre colère et détachement

    Lorsque le diagnostic de Marie tombe, il est sans appel : un cancer du sein de stade 3. La tumeur s’étend sur une grande partie de son sein droit. Il faut le retirer entièrement. Pendant 15 jours, les rendez-vous s’enchaînent jusqu’à l’opération qui se solde par une mastectomie. « Dès le départ, le médecin m’a dit : "Je vais vous prendre par la main et je ne vais plus vous lâcher." On a un ponte devant soi, et on se dit que c’est plutôt bien parti », se souvient-elle.

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    Marie, patiente qui a subi une mastectomie : « C’est plus le tourbillon de rendez-vous et de rapidité de la date de l’intervention qui m’a le plus bouleversée. »

    Mais toutes les femmes ne vivent pas leur mastectomie aussi bien que Marie. L’intervention, souvent décidée dans l'urgence, implique un changement profond de la perception de la féminité. D’où, parfois, un sentiment de colère, comme l’explique Emmanuel Jammes, délégué à la mission « Société et politique de santé » à la Ligue contre le cancer.

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    Emmanuel Jammes, délégué à la mission Société et politique de santé : « Il y a deux profils de femmes : celles qui sont plutôt résignées, plutôt détachées, et celles qui sont plutôt en colère, n’acceptent pas d’être mutilées. »

    « Un vrai sacrifice financier »

    Que la mastectomie soit bien vécue ou non, un soutien psychologique est nécessaire et recommandé. Mais une minorité de femmes sont informées de cette possibilité. A peine plus d’un tiers d’entre elles s’est vu proposer une rencontre avec un psychologue. Sans compter que ces consultations ne sont pas toujours prises en charge par l’Assurance maladie.

    Sont remboursées les consultations psychiatriques, ou deux séances chez le psychologue. Hors de ce « forfait », un rendez-vous représente une dépense de 50 à 70 €, sortis de la poche de la patiente. La Ligue a demandé à ce que le forfait soit étendu à 10 séances, ce que souhaiterait également Marie. « Je n’ai pu bénéficier que de deux séances. Ce n’est pas beaucoup, déplore-t-elle. Un forfait de 10 séances serait intéressant, parce que le psychologue peut faire un suivi, ce qui n’a pas été mon cas. En dehors de cela, il faut faire appel à quelqu’un dans le privé, ce qui a un coût. »

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    Emmanuel Jammes : « Quand elles font part de ce besoin d’accompagnement, elles consentent à payer un reste à charge sur ces consultations. C’est un vrai sacrifice financier. »

    Un reste à charge qui freine la guérison psychologique

    Les limites de la prise en charge peuvent ralentir le temps de la guérison psychologique. Après une mastectomie, une minorité de femmes s’engage dans la chirurgie reconstructrice (20-30 %). Parmi les freins, le coût de l’intervention qui reste à leur charge : 995 euros en moyenne. Les prothèses bénéficient aussi d’un mauvais remboursement. Elles peuvent pourtant être nécessaires pour trouver un nouveau rapport à son corps. « J’ai eu la chance de recevoir la visite d’une bénévole de l’association Vivre comme avant, se souvient Marie. Elle m’a offert ma première prothèse mammaire, en coton. C’est tout bête, mais cela sert beaucoup. »

    Des patientes mal informées

    Au-delà du reste à charge, il y a un réel problème d’information. « Les personnes malades ignorent souvent qu’elles peuvent aussi accéder gratuitement à des consultations avec un psychologue », souligne le rapport de la Ligue. Les centres spécialisés en oncologie proposent en effet des consultations psychologiques. Mais l’offre est largement inférieure à la demande sur ce plan.

    « Le besoin de soutien psychologique est majeur. Que les femmes le trouvent auprès d’un établissement de santé, d’une association ou en ville, peu importe. L’essentiel est que ce besoin soit couvert, établit Emmanuel Jammes. On sait que les établissements qui proposent un soutien sont trop rares et disparates. Cela dépend de l’endroit où vous habitez, où vous vous faites soigner, et des possibilités d’accès. »

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    Marie : « Il est dommage qu’on ne parle pas plus de la possibilité d’avoir un soutien psychologique. L’information, on devrait l'avoir quand on est encore en chambre, après l’opération. »

    Pour prendre le relais des établissements hospitaliers, les associations sont présentes sur le terrain. 103 comités de la Ligue contre le cancer proposent des groupes de paroles, avec des psychologues et des patientes. « Ce n’est pas suffisant, et les ressources de l’association sont limitées », martèle Emmanuel Jammes.


    (1) Observatoire sociétal des cancers 2014 : enquête quantitative réalisée auprès de 992 femmes par questionnaire papier ou Internet, doublée d’une enquête qualitative auprès de 12 femmes – dont 5 ont bénéficié d’une reconstruction mammaire.

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