Epidémies, séismes, typhons…

OMS : un réseau pour lutter contre les futures catastrophes

Sous le feu des critiques pour sa gestion d’Ebola, l’Organisation Mondiale de la Santé a annoncé la création d’un réseau de médecins et spécialistes mobilisables lors des prochaines catastrophes.

  • Par Marion Guérin
  • EUGENE HOSHIKO/AP/SIPA
  • 22 Avr 2015
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    Des scènes de désolation, rapportées par les médias du monde entier. Des réponses qui tardent et retardent le sauvetage des populations mourantes. Séismes, typhons, épidémies… Les occasions sont nombreuses de réaliser les difficultés d’une gouvernance mondiale face aux catastrophes sanitaires qui frappent certains pays – souvent les mêmes, d’ailleurs. L’épidémie d’Ebola en a été l’exemple parfait.

    « Nos systèmes ne peuvent pas s’en sortir »

    Pointée du doigt pour son inaction coupable dans les premiers mois de l’épidémie, l’OMS est en plein examen de conscience. Ce lundi, sa directrice générale, Margaret Chan, a une fois de plus reconnu le manque de préparation des institutions face à l’urgence sanitaire. « Nous pouvons mettre en place une réponse très efficace pour les petites ou moyennes épidémies. Mais pour celles de cette ampleur, nos systèmes nationaux et internationaux ne peuvent pas s’en sortir ». En cause, notamment : des problèmes « dans la communication des besoins ».

    C’est dans ce contexte que l’agence onusienne a choisi de communiquer sur le nouveau dispositif qu’elle a mis en place : le registre des équipes médicales étrangères (FMT, pour Foreign Medical Team). Tenu par l’OMS, ce registre listera des équipes de professionnels de santé à travers le monde – infirmiers, chirurgiens, infectiologues… accréditées par l’agence pour leur niveau de qualification et d’équipement, et issues d’organisations variées (associations humanitaires, ONG, hôpitaux…).

    Des équipes autosuffisantes

    « Nous avons réfléchi à ce système au lendemain du séisme en Haïti, en 2010, a expliqué Ian Norton, chef des équipes médicales étrangères à l’OMS, lors d’une conférence de presse donnée à Genève le 8 avril. Quelques trois cents équipes étaient sur place, dont beaucoup n’étaient pas autosuffisantes. On ne savait pas qui allait arriver et quand, s’il s’agissait de chirurgiens qualifiés, s’ils avaient le bon matériel… ». Ou quand la volonté de bien faire empire les choses.

    L’idée est donc de créer un réseau de professionnels opérationnels et mobilisables de manière presque immédiate en cas de catastrophe naturelle – dont les épidémies. Mais aussi de permettre à tous ceux qui souhaitent participer à l’effort de se présenter aux autorités du pays en difficulté, qui pourra dès lors identifier de manière très précise les ressources dont il dispose sur le terrain, et celles dont il manque. Tous les professionnels de santé pourront ainsi faire partie de ces équipes, pourvu qu’ils aient obtenu l’accréditation de l’OMS et fassent partie d’un groupe de quelques personnes au minimum. 

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    Ian Norton, chef des équipes médicales étrangères à l’OMS : « Ces équipes médicales peuvent être constituées de groupes humanitaires, de médecins qui regardent CNN et sautent dans le premier avion…  »

    Des ONG dubitatives

    D’ici un an, l’OMS espère comptabiliser sur son registre 150 équipes médicales, classées en trois groupes (de 6 à 10 personnes ; de 25 à 50 ; au-delà de 100). « Le registre suscite un fort intérêt de la part de certaines nations, qui souhaitent rapidement inscrire leurs FMT. C’est le cas en Asie – Chine, Philippines… –, en Australie, ou encore en Amérique du Sud ».

    Depuis son lancement il y a deux ans, ce dispositif encore naissant a été expérimenté à quelques reprises, notamment lors du typhon Haiyan qui a frappé les Philippines en 2013. « Son efficacité a été prouvée sur le terrain », affirme Ian Norton. Mais pour Ebola, les FMT accréditées par l’OMS ont fait défaut. C’est seulement dans la phase 2 de l’épidémie, qui consiste à endiguer les derniers cas d’Ebola, qu’elles se sont dépêchées sur place.

    En France, ce futur réseau suscite d’ailleurs des réserves parmi les ONG. Première arrivée sur le terrain d’Ebola, Médecins Sans Frontières attend des annonces plus concrètes, même si la volonté reste saluée. « Avoir des chercheurs, des universitaires et des praticiens spécialistes des épidémies, prêts à partir en cas d’urgence, cela peut effectivement servir, avance Rony Brauman, ancien président de MSF. D' autant plus que d’autres phénomènes épidémiques vont surgir compte tenu de l’urbanisation, de la démographie, du changement climatique et des nouvelles souches… Il y aura effectivement des besoins ponctuels d’assistance technique et opérationnelle à des pays débordés par ces situations ».

    Pour autant, l’ONG craint que cette proposition empêche une analyse sincère des lacunes qui ont conduit à l’absence de gérance mondiale dans les premiers mois d’Ebola. « Il ne s’agissait pas tant d’un manque de réseau de spécialistes que d’un déficit grave des structures sanitaires locales et des systèmes d’informations sanitaires, souligne Rony Brauman. De plus, les délégués locaux et régionaux de l’OMS étaient totalement inféodés à des ministères de la Santé, qui eux-mêmes refusaient la réalité. Ce n’est pas un réseau international qui aurait réglé ça… ».

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    Rony Brauman, ancien directeur de MSF, directeur de recherche à la fondation MSF  : « Le bilan à tirer d’Ebola n’est pas tant lié à un manque de spécialistes qu’à une faute politique grave… Il faut être sûr qu’il ne s’agit pas d’un effet d’annonce de l’OMS  »

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