Rhumatologie
Maladie de Horton et corticoïdes : les bolus IV pas supérieurs au traitement oral
Chez les patients atteints d'artérite à cellules géantes, les bolus de méthylprednisolone intraveineuse au début du traitement corticoïde n'amélioreraient pas la récupération de l'acuité visuelle ni la survie par rapport aux corticoïdes oraux seuls. Ils pourraient même augmenter le risque de diabète dans l'année suivant le diagnostic.
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La maladie de Horton, ou artérite à cellules géantes (ACG), est une vascularite des gros vaisseaux touchant principalement les personnes de plus de 50 ans, avec une prédominance féminine. Affectant fréquemment les artères crâniennes, notamment les artères temporales, elle peut entraîner des complications ischémiques graves telles que la perte de vision, des accidents vasculaires cérébraux, mais aussi des anévrismes de l'aorte. Le traitement standard repose sur des doses élevées de corticoïdes (40 à 60 mg/j), généralement par voie orale, avec une diminution progressive sur une période souvent supérieure à deux ans.
Bien que certaines recommandations préconisent l'utilisation initiale de bolus de méthylprednisolone intraveineux (500 à 1000 mg/j sur 3 jours) chez les patients ayant des manifestations visuelles (avec relais par voie orale ) pour prévenir une aggravation ou une perte visuelle controlatérale, une étude rétrospective suédoise menée sur 419 patients atteints d'ACG confirmée par biopsie ne trouve aucune preuve que les bolus de corticoïdes IV améliorent l'acuité visuelle ou la survie par rapport aux corticoïdes oraux seuls. De plus, l'utilisation de bolus de corticoïdes pourrait être associée à un doublement du risque de développer un diabète de type 2 dans l'année suivant le diagnostic de maladie de Horton. Les résultats sont publiés dans Rheumatology.
Les bolus ne modifieraient pas le pronostic visuel
Parmi les 419 patients étudiés, 111 ont été traités initialement par des bolus de corticoïdes IV, dont 94% avaient des manifestations visuelles au début de la maladie. Ces patients avaient en moyenne une réponse inflammatoire initiale plus faible (CRP et VS plus basses) par rapport à ceux traités uniquement par corticoïdes oraux. L'analyse statistique ne montre pas d'amélioration significative de l'acuité visuelle avec les bolus de corticoïdes IV (OR 1,19 ; IC 95% 0,35–4,01 ; NS). En revanche, les patients traités par bolus de corticoïdes IV auraient un risque plus élevé de développer un diabète de novo dans l'année suivant le diagnostic de maladie de Horton (OR 2,59 ; IC 95% 1,19–5,63), risque qui reste élevé même après ajustement pour la dose cumulative de corticoïdes oraux à trois mois (OR ajusté 3,30 ; IC 95% 1,29–8,43).
Aucune différence significative n'est observée entre les deux groupes en termes de survie globale, avec des taux de survie à 1, 2 et 5 ans similaires. En ce qui concerne la tolérance, l'utilisation de bolus de corticoïdes IV est associée à une normalisation plus rapide des paramètres inflammatoires (VS et CRP) mais sans impact clinique notable sur les résultats à long terme.
Une analyse de cohorte rétrospective
Cette étude rétrospective a analysé les dossiers de patients diagnostiqués avec une Maladie de Horton confirmée par biopsie entre 2004 et 2019 dans plusieurs hôpitaux de la région de Skåne, en Suède. Les données cliniques, biologiques et thérapeutiques ont été collectées de manière standardisée, permettant une comparaison robuste entre les patients traités par bolus de corticoïdes IV et ceux recevant uniquement des corticoïdes oraux. L'utilisation de registres de santé régionaux a permis d'identifier les comorbidités survenues après le diagnostic d'ACG, en utilisant les codes CIM-10.
Cependant, en raison de la nature rétrospective de l'étude, certains biais liés aux données manquantes, à l'absence de randomisation et à la variabilité des pratiques cliniques peuvent exister. De plus, l'absence de validation des diagnostics de comorbidités et le recours aux codes CIM-10 pourraient limiter la précision des résultats.
Les bolus n’ont pas d’effets sur l’évolution cliniques
Ces résultats remettent en question l'utilisation systématique de bolus de corticoïdes IV chez les patients qui ont des manifestations visuelles de l'ACG et soulignent la nécessité d'études prospectives randomisées pour évaluer l'efficacité réelle de bolus de corticoïdes IV.
Une sous-analyse des patients avec atteinte visuelle montre que ceux traités par bolus ont une dose cumulée de corticoïdes oraux à trois mois, inférieure à celle des patients initialement traités uniquement par corticoïdes oraux (3349 ± 819 mg contre 3881 ± 783 mg, respectivement ; p= 0,01).
En pratique
Selon les auteurs, les praticiens devraient également prendre en compte le risque accru de complications métaboliques, notamment le diabète, associé à l'utilisation de bolus de corticoïdes IV. Des alternatives thérapeutiques, telles que les agents épargnant les corticoïdes comme le tocilizumab, pourraient être envisagées pour réduire la toxicité liée aux corticoïdes.
Ils devraient reconsidérer l'utilisation systématique des bolus de corticoïdes IV et privilégier une approche basée sur les preuves, en attendant les résultats d'études prospectives. L'optimisation du traitement de la maladie de Horton nécessite un équilibre entre l'efficacité clinique et la minimisation des effets indésirables liés aux corticoïdes.