Infectiologie
Covid-19 : la responsabilité du marché aux animaux vivants de Wuhan se précise
Deux équipes de recherche internationales ont publié en pre-print des études originales qui désignent le grand marché d'alimentation et d'animaux vivants à Wuhan, en Chine, comme étant vraisemblablement à l'origine de la pandémie de la Covid-19.
- ImageegamI/istock
Après avoir analysé un large éventail de données, notamment les gènes du virus, les cartes des étals du marché de Wuhan, la géolocalisation des premiers malades de la Covid-19 à Wuhan, et leur activité sur les médias sociaux, 2 équipes de scientifiques concluent que le SARS-CoV-2 était très probablement présent chez des mammifères vivants vendus au Huanan Seafood Wholesale Market de Wuhan, fin 2019.
Interviewés dans un article passionnant du New York Times, ils expliquent comment le coronavirus s'est très probablement propagé à différentes personnes, travaillant ou faisant leurs courses à ce marché.
L’origine du SARS-CoV-2, une clé pour les prochaines épidémies
La question de savoir si l'épidémie a commencé par une contamination humaine à partir des animaux sauvages vivants vendus sur le marché de Wuhan, d’une fuite à partir du laboratoire de virologie de cette même ville ou à partir d’une autre source, a donné lieu à des débats enflammés, y compris politiques.
La gravité de la pandémie et les controverses politiques ont entravé la recherche de la vérité scientifique, vérité pourtant indispensable à une meilleure anticipation des risques pandémiques ultérieurs. Les 2 études analysées par nos confrères, et qui ne sont pas encore publiées dans une revue à comité de lecture, constitueraient des avancées importantes dans le débat sur les origines de la pandémie de Covid-19.
Une enquête initiale entravée
En effet, selon plusieurs scientifiques indépendants interrogés par le New York Times, ces études apportent une analyse rigoureuse des données de géolocalisation disponibles sur les premiers malades, autour et à l’intérieur du marché de Wuhan. Mais d'autres experts ont souligné certaines lacunes et la question de l’identification de l'animal du marché qui a propagé le virus à l'homme reste ouverte.
En effet, des scientifiques du Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies avaient analysé les traces génétiques des premiers échantillons environnementaux recueillis sur le marché, en janvier 2020. Mais lorsqu’ils sont arrivés pour collecter ces échantillons, la police avait fermé et désinfecté le marché en raison des premiers malades identifiés et il ne restait plus d'animaux vivants sur le marché à ce moment-là. De plus, ces données ne sont pas encore complètement publiques.
Une géolocalisation précise via les téléphones
Quand ils sont venus, les experts de l'OMS avaient cependant identifié 164 cas de Covid-19 à Wuhan survenus au cours du mois de décembre 2019. A l'époque, ces cas étaient initialement localisés de façon approximative, avec des points dispersés sur une carte peu précise de Wuhan.
Le Dr Worobey et ses collègues ont utilisé des outils cartographiques pour estimer les emplacements précis en longitude et en latitude de 156 de ces cas initiaux et le maximum de la densité de ces cas de décembre se situe bien autour du marché de Wuhan. Ces cas comprenaient non seulement des personnes initialement liées au marché (vendeurs et clients), mais aussi d'autres qui vivaient dans le quartier environnant.
Ils ont ensuite cartographié les cas de janvier et février 2020 à partir des données recueillies par des études chinoises sur Weibo, un média social qui avait créé à cette époque une plateforme permettant aux personnes atteintes de la Covid-19 de demander une aide médicale.
Les 737 cas extraits de Weibo sont concentrés plus loin du marché, dans d'autres parties du centre de Wuhan avec des populations élevées de résidents âgés, témoignant d’une extension du foyer épidémique au fil du temps.
Quel est l’animal responsable ?
Mais, d’autres scientifiques ont fait remarquer qu’il est toujours possible que ces schémas de géolocalisation ne soient seulement la preuve que le marché a favorisé la diffusion de l'épidémie, après que le virus ait initialement contaminé des personnes ailleurs, personnes qui seraient venues ensuite sur le marché.
Mais les chercheurs ont reconstitué le plan du marché de Wuhan sur la base du rapport de l'OMS, de l'étude du CDC chinois et d'autres sources. Ils ont ensuite cartographié avec précision les emplacements des échantillons environnementaux qui avaient été testés positifs au SARS-CoV-2 par les chercheurs du CDC chinois. Ils se sont alors aperçus que tous ces prélèvements positifs étaient regroupés dans une zone localisée et bien définie du marché, là où des animaux vivants étaient vendus.
Ils ont même été frappés de constater que cinq de ces échantillons provenaient d'un seul et même étal. Or, cet étal avait été visité antérieurement, en 2014, par l'un des coauteurs de ces études. Lors de ce voyage, il avait pris une photo des animaux vivants vendus dans les cages de cet étal, et en particulier d'une cage où des ratons laveurs y étaient en vente.
Poursuivre l’enquête scientifique
Ce n’est donc pas la fin de l’histoire d’après le New York Times : les chercheurs attendent en particulier que le gouvernement chinois rende intégralement publiques les données virologiques des échantillons positifs prélevés sur le marché par le CDC chinois.
Ils conseillent aussi une analyse sérologique des habitants des villages d’où sont venus les animaux vivants qui étaient vendus sur cet étal et les voisins dans le marché.
Il reste que, siècle après siècle, les marchés aux animaux vivants constituent un péril virologique pour l’homme et, en attendant de mieux comprendre l’origine de la Covid-19, il serait peut-être bon de les fermer.