Neurologie
Maladie d'Alzheimer préclinique : résultats encourageants à 8 ans d’un anti-amyloïde
Chez des porteurs asymptomatiques de mutations génétiques conduisant à une maladie d'Alzheimer précoce, une petite étude suggère que l’administration prolongée d’un anti-amyloïde pourrait ralentir la progression clinique et retarder l'apparition des symptômes. En outre, elle fournit des informations précieuses sur la sécurité de ce type de traitement à long terme et à fortes doses.

- Artur Plawgo/istock
La maladie d'Alzheimer à transmission autosomique dominante (DIAD) est causée par des mutations autosomiques dominantes dans les gènes de la préséniline-1 (PSEN1), de la préséniline-2 (PSEN2) ou de la protéine précurseur de l'amyloïde β (APP), qui altèrent le traitement de l'APP, entraînant une surproduction d'amyloïde β, son agrégation et l'accumulation de plaques amyloïdes β pathologiques dès le milieu de l'âge adulte. Les porteurs de ces mutations ont un âge prévisible d'apparition des symptômes et suivent un stade préclinique caractérisé par le dépôt de plaques amyloïdes β des décennies avant le déficit cognitif, ce qui constitue un modèle unique pour étudier les traitements modificateurs de la maladie d’Alzheimer dans un paradigme de prévention.
Le DIAN-TU-001 est un essai pionnier lancé en 2012, évaluant le gantenerumab, un anticorps monoclonal anti-amyloïde, dans l'objectif de prévenir ou ralentir la progression clinique chez les porteurs asymptomatiques ou légèrement symptomatiques de ces mutations. Si la phase initiale, randomisée (2012-2019), n’avait pas atteint la significativité sur son critère principal de ralentissement de la progression clinique, elle avait montré une réduction significative des plaques amyloïdes et des biomarqueurs associés, justifiant une extension en ouvert (OLE) sur trois ans à des doses plus élevées.
Bénéfice clinique partiel chez les patients asymptomatiques traités 8 ans en moyenne
Les résultats à 8 ans de cette phase d’extension, publiés dans The Lancet Neurology, confirment une réduction marquée des plaques amyloïdes cérébrales (-0,71 SUVR, IC à 95% : -0,88 à -0,53, p<0,0001) et révèlent que le risque de symptômes cliniques de la maladie d’Alzheimer serait réduit de moitié dans un sous-groupe de 22 patients qui n'avaient aucun problème de mémoire ou de cognitions lors de leur inclusion.
Les résultats atteignent une signification statistique dans une partie de l'analyse, mais pas dans d'autres, ce qui a laissé perplexes certains experts non impliqués dans l’étude, qui ont eu du mal à comprendre ces données complexes. Il existe une tendance non significative mais cliniquement intéressante du ralentissement de la progression cognitive chez les porteurs asymptomatiques les plus longtemps traités (risque relatif : 0,53 ; IC à 95% : 0,27 à 1,03). Malgré ces résultats encourageants chez les patients traités en moyenne pendant 8,4 ans, aucune différence significative n’a été observée sur les autres échelles cognitives utilisées (DIAN-TU cognitive composite, MMSE ou FAS).
Sur le plan de la tolérance à long, un autre aspect très intéressant de l’étude, 53% des participants ont eu des anomalies radiologiques associées à l'imagerie amyloïde (ARIA), dont 30% d'œdèmes et 47% de microhémorragies, généralement asymptomatiques et réversibles. Aucun décès ou macro-hémorragie lié au traitement n’a été rapporté, malgré l'utilisation de doses très élevées de gantenerumab (jusqu'à 1500 mg toutes les deux semaines).
Une étude d’extension qui complique l’analyse des résultats
Les données proviennent d’un essai randomisé multicentrique en double aveugle, suivi d’une extension ouverte (OLE), mené sur 18 sites internationaux chez 73 patients porteurs de mutations génétiques responsables de la DIAD. La cohorte a une caractéristique unique : traitement prolongé (jusqu'à 8 ans) et à doses élevées. La représentativité des résultats est néanmoins limitée par l’effectif restreint dû à la rareté de la DIAD et par les abandons liés à l’arrêt anticipé de l’étude par le promoteur (Roche), ainsi que par les augmentations de doses choisies lors de l’extension.
Selon les auteurs et de nombreux experts, ces données appuient néanmoins la pertinence de l'hypothèse amyloïde de la maladie d’Alzheimer, suggérant que l'élimination substantielle et durable des plaques pourrait prévenir ou retarder significativement la progression clinique lorsqu'elle est initiée bien avant l’apparition des symptômes cliniques et qui ont obtenu une réduction des taux de bêta-amyloïde proches de la normale. Sur le plan de la tolérance, on a désormais une image plus rassurante du pronostic à long terme des accidents hémorragiques. En termes de pratique médicale, ces résultats soulignent l'intérêt potentiel d'une intervention précoce avec un anti-amyloïde chez les patients à haut risque génétique de développer une maladie d’Alzheimer.
Avenir incertain pour une étude critique dans la compréhension de ces traitements
Des essais de plus grande ampleur et de plus longue durée sont donc nécessaires afin de confirmer ces observations prometteuses et préciser le rapport bénéfice-risque des traitements anti-amyloïdes dans la prévention de la maladie d’Alzheimer. Mais, dans le contexte de la nouvelle administration américaine et de ses réductions de coûts à la hâche, les auteurs ont confié à CNN que les réunions préalables à celle du conseil des National Institutes of Health, au cours de laquelle les décisions de financement sont prises, ont été annulées à deux reprises.
Si leur subvention ne passe pas en réunion du conseil en mai, l'argent destiné à l'étude, qui est en cours depuis 2008, pourrait s'épuiser et les patients pourraient perdre l'accès aux médicaments. Le développement du ganterumab a été abandonné par son promoteur, le laboratoire Roche, et cette étude repose uniquement sur des fonds publics fédéraux. Les chercheurs pourraient donc ne jamais découvrir la durabilité des bénéfices des anti-amyloïdes ou être incapables de répondre à des questions essentielles, comme celles de savoir pour qui les médicaments sont les plus efficaces, alors que l’on sait désormais que leur tolérance est gérable.