Rhumatologie

Gonarthrose : trop de radios peuvent nuire au traitement

Une étude randomisée montre que dans l’arthrose du genou, l’utilisation excessive de la radiographie peut renforcer chez les patients l’idée qu’un remplacement articulaire est nécessaire et nuire à l’efficacité du traitement médical, dont l’exercice physique. Cela soulève la question de l’usage systématique des clichés radiologiques dans la pratique courante.

  • edwardolive/istock
  • 15 Mar 2025
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    L’arthrose du genou (gonarthrose) est une cause majeure de douleur et de handicap physique. Bien que les recommandations internationales suggèrent de poser un diagnostic clinique, basé sur l’âge et les symptômes, et de privilégier l’exercice physique pour la prise en charge, le recours à la radiographie reste largement répandu.

    À partir d’un essai randomisé contrôlé incluant 617 participants (âgés de 45 ans ou plus, avec ou sans douleurs chroniques du genou), trois approches diagnostiques et d’éducation thérapeutique ont été comparées : (i) diagnostic clinique sans radiographie ; (ii) diagnostic radiographique sans présentation des clichés ; et (iii) diagnostic radiographique accompagné de la visualisation des radiographies. Les auteurs ont mesuré principalement la perception de la nécessité d’une chirurgie de remplacement articulaire et la valeur perçue de l’exercice physique (échelles numériques de 0 à 10).

    Les résultats, publiés dans PLOS Medicine, révèlent que, comparé à un diagnostic purement clinique, expliquer la douleur au genou à l’aide en montrant les clichés radiographiques augmente significativement la croyance des patients que la chirurgie est nécessaire (environ +1 point sur l’échelle). En revanche, la radiographie, qu’elle soit ou non montrée au patient, n’améliore pas la perception de l’intérêt de l’exercice physique dans le traitement médical de l’arthrose.

    Radiographies montrées : meilleure satisfaction de la consultation

    En plus de l’effet principal (représentations du patient concernant la chirurgie), l’essai s’est intéressé aux critères secondaires, incluant la satisfaction de la consultation et la confiance dans le diagnostic. Curieusement, ceux qui reçoivent un diagnostic radiographique se disent un peu plus satisfaits et plus confiants quant à l’exactitude de la conclusion médicale, malgré le fait que cela renforce aussi l’idée d’une possible nécessité de chirurgie.

    Aucune différence marquée n’a été notée entre le groupe « radiographie montrée » et le groupe « radiographie non montrée ». L’étude n’a pas mis en évidence de variations notables entre différents sous-groupes de participants (avec ou sans douleur chronique au départ).

    Première étude randomisée contrôlée sur des scénari hypothétiques

    Il s’agit d’une étude randomisée contrôlée menée en ligne, sous forme de scénario fictif : on demandait aux participants d’imaginer qu’ils consultaient pour un genou douloureux depuis 6 mois. Les chercheurs ont ensuite aléatoirement attribué chaque sujet à l’une des trois modalités explicatives. Les mesures, réalisées immédiatement après la visualisation d’une courte vidéo, reflètent la réaction cognitive face à différents modes de communication diagnostique. On peut toutefois souligner les limites de cette approche : parce qu’il s’agit de scénari hypothétiques, les conclusions doivent être confirmées dans un contexte clinique réel. Par ailleurs, l’échantillon incluait des individus anglophones, souvent non encore consultés pour ce type de douleur, ce qui peut influer sur la généralisation des résultats.

    Selon les auteurs, ces données suggèrent que montrer une radiographie, même en expliquant que les signes structurels ne prédisent pas toujours la douleur ou l’évolution de la maladie, peut orienter le patient vers une vision trop biomédicale de sa pathologie, renforçant l’idée qu’une chirurgie pourrait être nécessaire. Dans une pathologie pour laquelle l’exercice constitue un traitement de première intention, ce phénomène risque de décourager une approche médicale active et non-invasive.

    Ces résultats doivent être confirmés par l’évaluation des comportements réels des patients après consultation (adhésion à l’exercice, recours à la chirurgie), ainsi que l’étude de stratégies de communication alternatives (messages rassurants, mise en avant des bénéfices fonctionnels de l’activité physique) pouvant réduire l’impact négatif potentiel du support radiographique. En somme, utiliser trop de radiographies pour diagnostiquer et suivre une arthrose pourrait conduire à une surmédicalisation, en particulier la surutilisation de la chirurgie, sans pour autant améliorer la satisfaction des patients.

     

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    JDF

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