Gynéco-obstétrique
Grossesse : la vitamine D aurait un rôle majeur au cours du 1er trimestre
Des concentrations de vitamine D inférieures à 40 nmol/L au premier trimestre sont associées à une multiplication par quatre du risque de prématurité et à une diminution de la taille du fœtus. Le début de la grossesse, voire la période préconceptionnelle, pourraient être des moments critiques pour intervenir auprès des femmes qui ont un faible taux de vitamine D, afin d'optimiser son issue.
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Le déficit en vitamine D est fréquent chez les femmes enceintes aux États-Unis, où près d’un tiers d’entre elles présentent des valeurs inférieures à 50 nmol/L. Un statut vitaminique inadéquat au cours de la grossesse a déjà été associé à divers problèmes obstétricaux, tels que la prééclampsie, le diabète gestationnel ou la prématurité. Cependant, les études d’intervention n’ont pas toujours convergé, probablement en raison de variations d’échantillons, de doses de supplémentation et du moment de l’évaluation.
Dans ce travail, dont les résultats sont publiés dans The American Journal of Clinical Nutrition, les auteurs ont analysé le statut en vitamine D lors des premier (6–13 semaines) et second (16–21 semaines) trimestres chez 351 femmes nullipares. Les résultats montrent qu’au premier trimestre, la proportion de valeurs inférieures à 50 nmol/L atteint 20 %. Une baisse supplémentaire en dessous de 40 nmol/L accroitrait sensiblement le risque de naissance prématurée : les femmes dont la concentration en 25(OH)D est <40 nmol/L ont un risque 4,35 fois plus élevé (IC à 95 % : 1,14–16,55) d’accouchement prématuré par rapport à celles ayant des valeurs ≥80 nmol/L. Par ailleurs, chaque augmentation de 10 nmol/L dans le premier trimestre est associée à une légère hausse (0,05) du score de croissance linéaire (length-for-age z-score). Aucune différence n’a été relevée pour le poids fœtal ou le périmètre crânien.
L’importance du seuil de 40 nmol/L au premier trimestre
Les analyses effectuées selon les seuils de l’Institute of Medicine (<50 versus ≥50 nmol/L) n’ont pas mis en évidence de différence statistiquement significative quant au risque de prématurité ou de retard de croissance (SGA). En revanche, l’exploration de plusieurs classes de concentrations (<40, 40–59,9, 60–79,9, ≥80 nmol/L) a mis en exergue l’importance d’un seuil plus bas : les femmes ayant moins de 40 nmol/L au premier trimestre ont l’excès de risque de prématurité susmentionné.
Au second trimestre, le statut vitaminique n’a pas semblé influencer ni la croissance fœtale ni les issues néonatales : il est possible qu’une amélioration générale des apports, ou un effet d’exclusion de femmes initialement carencées, ait limité la variance dans cette période plus avancée. Concernant la tolérance, aucune mention d’effet indésirable notable lié à la supplémentation en vitamine D n’a été relevée dans ce travail, ce qui conforte la sécurité d’emploi aux posologies standards recommandées.
Une sous-analyse d’une étude prospective sur les primipares
Cette étude repose sur une analyse secondaire de données issues d’un vaste projet multicentrique prospectif, le Nulliparous Pregnancy Outcomes Study, conduit aux États-Unis entre 2010 et 2013. Les femmes inclues étaient nullipares et ont bénéficié de dosages de 25-hydroxyvitamine D aux premier et second trimestres. Les mesures échographiques longitudinales (16–21 et 22–29 semaines) ont permis de suivre la croissance fœtale (longueur, poids, périmètre crânien), tandis que les paramètres néonataux (préterm, SGA) ont été documentés à la naissance. Bien que la cohorte a une représentativité satisfaisante de la population américaine nullipare, il convient de noter que le nombre total de naissances prématurées était modeste, justifiant des études complémentaires plus étendues.
Selon les auteurs, ces résultats soulignent l’importance d’évaluer précocement le statut vitaminique chez les femmes susceptibles de concevoir, idéalement avant la grossesse ou au tout début de celle-ci. En deçà de 40 nmol/L, l’augmentation du risque de prématurité et la diminution de la croissance linéaire fœtale justifient de proposer une supplémentation, avec un suivi adapté afin d’atteindre un niveau vitaminique D optimal. Il reste nécessaire de prévoir des essais cliniques randomisés plus vastes, visant à préciser les seuils d’intervention, les doses optimales de vitamine D, ainsi que le moment le plus opportun pour corriger un déficit (préconception, premier trimestre). Parallèlement, l’interaction entre la vitamine D et d’autres nutriments (fer, folates) ou facteurs (état immunitaire, variabilité génétique) mérite également une investigation approfondie afin de mieux cerner la stratégie de prise en charge la plus efficace pour prévenir prématurité et troubles de la croissance fœtale.