Cardiologie

Fibrillation atriale permanente : la digoxine est plus économique et aussi efficace

Chez des patients atteints de fibrillation atriale permanente et de symptômes d’insuffisance cardiaque, la digoxine s’avère moins coûteuse et tout aussi efficace que les bêta-bloquants pour le contrôle de la fréquence cardiaque. Une adoption plus large de cette stratégie pourrait engendrer des économies significatives pour les systèmes de santé.

  • wingedwolf/istock
  • 01 Fév 2025
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    La fibrillation atriale (FA) est l’arythmie cardiaque la plus courante et représente un facteur de risque majeur de complications thromboemboliques (accident vasculaire cérébral, démence vasculaire). Face à l’augmentation exponentielle de sa prévalence, une part importante du budget de santé est consacrée à sa prise en charge, principalement en raison des hospitalisations. Malgré l’existence d’une proportion notable de patients souffrant d’une FA dite « permanente », peu d’essais randomisés ont été spécifiquement menés dans cette population.

    Le protocole RATE-AF (RAte control Therapy Evaluation in permanent Atrial Fibrillation) est le premier essai randomisé à comparer directement la digoxine (d’usage ancien, souvent reléguée en deuxième ligne) et les bêta-bloquants (traitement de référence) chez des patients avec FA permanente et symptômes d’insuffisance cardiaque. Les résultats initiaux ont montré une absence de différence dans l’amélioration de la qualité de vie liée à l’activité physique à 6 mois, mais une majorité de critères secondaires (fonction cardiaque, capacité fonctionnelle, taux d’événements cardiovasculaires) étaient en faveur de la digoxine à 12 mois. Cette étude d’évaluation économique, intégrée dans RATE-AF et publiée dans Heart, visait à comparer coûts et utilité (en QALY, Quality Adjusted Life Year) de ces deux stratégies.

    Une réduction significative des coûts pour le système de santé

    Au total, 160 patients (âge moyen : 76 ans, 46 % de femmes) ont été randomisés dans RATE-AF, et 149 ont complété l’étude jusqu’à 12 mois (73 sous digoxine, 76 sous bêta-bloquants). Les analyses révèlent une réduction moyenne des coûts de 530 £ par patient et par an (IC 95 % : −848 £ à −249 £ ; p = 0,001) en faveur de la digoxine, principalement liée à un moindre recours aux structures de soins (consultations, hospitalisations). Aucun écart significatif n’a été noté sur le plan des QALY (différence de 0,013 ; IC 95 % : −0,033 à 0,052 ; p = 0,56).

    Sur le plan de la tolérance, la digoxine a engendré moins d’événements indésirables graves par rapport aux bêta-bloquants, avec un taux moindre de réhospitalisations. Le modèle économique suggère qu’en intégrant un seuil de 20 000 £ par QALY (recommandation NICE au Royaume-Uni), la probabilité que la digoxine soit jugée rentable est estimée à 94 %. Extrapolés à la population britannique atteinte de FA, ces résultats se traduiraient par une économie annuelle de près de 102 millions de livres (jusqu’à 164 millions en analyse de sensibilité), soit environ 6 % du budget alloué à la FA par le National Health Service (NHS).

    Une sous-analyse de l’étude randomisée RATE-AF

    Cette analyse économique repose sur un suivi prospectif des ressources consommées (consultations primaires et secondaires, admissions hospitalières, traitements) et des scores de qualité de vie recueillis lors de l’essai RATE-AF. Le caractère multicentrique et randomisé confère une bonne validité interne, bien qu’il faille souligner la taille limitée de l’échantillon (160 patients) et la durée d’observation restreinte (12 mois). Ces contraintes laissent persister une incertitude quant à l’impact à plus long terme sur les événements cardiovasculaires et la qualité de vie. Néanmoins, aucune autre étude randomisée n’avait jusqu’alors évalué de manière aussi fine l’impact économique d’un contrôle de fréquence cardiaque par digoxine versus bêta-bloquants.

    Selon les auteurs, ces résultats incitent à reconsidérer la place de la digoxine en première intention chez des patients ayant une FA permanente et des symptômes d’insuffisance cardiaque. Une prescription élargie, toujours accompagnée d’une surveillance clinique et biologique adaptée, pourrait engendrer des économies substantielles pour les systèmes de santé, au-delà du Royaume-Uni. Toutefois, des études supplémentaires, incluant des populations plus vastes et un suivi prolongé, seraient souhaitables pour évaluer pleinement l’effet de la digoxine sur la survie, la qualité de vie et les coûts de prise en charge à long terme.

    Pour la prise en charge de la fibrillation auriculaire visant un contrôle de la fréquence ventriculaire (rate control), on peut recourir à des antagonistes du calcium, des ß-bloquants ou de la digoxine. Depuis longtemps déjà, la digoxine n’est plus considérée comme premier choix dans ce cas-là en raison de sa toxicité (même s’il n’a pas été démontré qu’il y avait plus de décès comme dans l’étude AFFIRM), de l’apparition tardive de son effet thérapeutique et de son effet insuffisant sur la fréquence ventriculaire en cas d’effort. Le critère économique est cependant un élément recevable.

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