Rhumatologie

Ostéomalacie auto-immune : une nouvelle entité avec des douleurs osseuses et des fractures

Une forme acquise d’ostéomalacie, qui ressemble à une forme induite par une tumeur, mais liée à des autoanticorps anti-PHEX, vient d’être mise en évidence. Son identification précoce pourrait éviter des recherches tumorales inutiles et ouvrir la voie à des traitements immunomodulateurs ciblés.

  • Md Babul Hosen/istock
  • 30 Jan 2025
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    L’ostéomalacie induite par des tumeurs, dite « tumor-induced osteomalacia », est historiquement la forme acquise la plus fréquente d’hypophosphatémie liée au facteur de croissance fibroblastique 23 (FGF23). L’excès de FGF23 sécrété par la tumeur provoque une fuite rénale de phosphate, menant à des fragilités osseuses et à des douleurs osseuses diffuses. Le traitement de première intention consiste en l’ablation chirurgicale de la tumeur en cause. Toutefois, chez 27 à 45 % des patients suspects de cette pathologie, aucun foyer tumoral n’est décelable malgré des investigations exhaustives.

    Cette constatation a soulevé l’hypothèse qu’une autre étiologie, possiblement auto-immune, puisse être à l’origine de ces hypophosphatémies liées au facteur de croissance fibroblastique 23 (FGF23) dites « inexpliquées ». Des chercheurs ont émis l’hypothèse que des autoanticorps dirigés contre les protéines régulant la phosphatémie pourraient expliquer ces formes « tumor-like ».

    Un criblage génétique, tumoral et immun

    Dans une étude japonaise, des échantillons de sérum prélevés sur des patients et des témoins ont été soumis à une recherche d'auto-anticorps dirigés contre les protéines responsables de la FGF23rHR congénitale, notamment DMP1, ENPP1, FGFR1 et PHEX (phosphate-regulating endopeptidase X-linked). Ils ont tidentifié 13 patients avec des caractéristiques d’ostéomalacie liée à un excès de FGF23, mais sans tumeur détectable, après un criblage génétique et tumoral approfondi.

    L’analyse sérologique a mis en évidence, chez 4 patients, des autoanticorps dirigés contre la protéine PHEX (Phosphate-regulating endopeptidase homolog, X-linked) à l’aide d’un immunodosage LIPS (luciferase immunoprecipitation system). Un second test par cytométrie en flux a confirmé cette séropositivité et a permis d’en identifier un cinquième, totalisant 5 patients (38 %) avec autoanticorps anti-PHEX. Ainsi, une ostéomalacie ressemblant à la forme tumorale, mais sans foyer détectable, pourrait relever d’un nouveau mécanisme auto-immun.

    Une analyse comparative par rapport à d’autres ostéomalacies

    Les auteurs ont comparé le profil clinique de ces 5 patients avec autoanticorps anti-PHEX avec celui de 18 patients ayant une ostéomalacie tumorale avérée, de 9 patients atteints de rachitisme hypophosphatémique lié à l’X et de 10 patients avec d’autres troubles endocriniens. Tous les échantillons témoins se sont révélés négatifs pour les autoanticorps anti-PHEX. Parmi les 5 patients concernés, l’un d’eux (Patient 9) avait d’autres troubles auto-immuns (maladie de Basedow, purpura thrombopénique idiopathique, lupus érythémateux disséminé et syndrome des antiphospholipides), suggérant un terrain immunitaire exacerbé.

    Les auteurs soulignent qu’un anticorps monoclonal anti-FGF23 (burosumab) pourrait s’avérer efficace dans ces formes d’ostéomalacie auto-immune, tout comme un éventuel recours précoce à des immunomodulateurs. Cette combinaison thérapeutique viserait à la fois la neutralisation de FGF23 et la modulation de la réponse auto-immune chez les patients séropositifs à PHEX.

    Un tableau clinique d’hypophosphatémie et de fractures et douleurs osseuses

    Les données présentées proviennent d’un processus de sélection rigoureux : tous les patients avaient un tableau clinique d’hypophosphatémie persistante et de fractures ou douleurs osseuses compatibles avec un excès de FGF23. Après exclusion des causes génétiques et tumorales (imagerie, examens biologiques, analyses génétiques ciblées), une analyse sérologique par immunoessai (LIPS) a été conduite pour rechercher la présence d’autoanticorps dirigés contre des protéines déjà incriminées dans les formes congénitales d’hypophosphatémie (DMP1, ENPP1, FGFR1 et PHEX). L’approche a été renforcée par cytométrie en flux, permettant de détecter d’éventuelles conformations antigéniques non décelées par la technique initiale.

    Cette stratégie d’investigation se limite toutefois à un échantillon réduit (13 patients), tous Japonais, ce qui questionne la généralisabilité des résultats à d’autres populations, même si les hypophosphatémies liées au facteur de croissance fibroblastique 23 (FGF23) sont retrouvées dans toutes les ethnies. Malgré cette limitation, les répercussions cliniques sont majeures selon les auteurs : l’existence d’autoanticorps anti-PHEX redéfinit une entité nosologique potentiellement fréquente parmi les ostéomalacies considérées « idiopathiques ». Elle oriente vers un diagnostic différentiel incluant un bilan immunologique spécifique avant de multiplier les examens à la recherche d’une tumeur introuvable.

    En termes de changement de pratiques, l’identification systématique d’autoanticorps anti-PHEX pourrait optimiser la prise en charge de ces patients en limitant le recours à des procédures de localisation tumorale coûteuses et invasives. De plus, sur le plan thérapeutique, l’association d’un blocage de FGF23 (par burosumab) à une immunomodulation ciblée pourrait devenir une option prometteuse pour corriger l’hypophosphatémie, prévenir les lésions osseuses et traiter le terrain auto-immun sous-jacent.

    Conclusion

    La mise en évidence d’autoanticorps dirigés contre la protéine PHEX dans des cas d’ostéomalacie « tumor-like » inexpliquée marque l’émergence d’une nouvelle entité dite « ostéomalacie auto-immune ». Cette découverte ouvre la voie à une reconsidération du parcours diagnostic et à un éventail thérapeutique élargi, ciblant à la fois le FGF23 et la réponse auto-immune.

    Les perspectives de recherche incluent la caractérisation fine des mécanismes pathogéniques impliqués dans la perte de fonction de PHEX, la définition précise de biomarqueurs sérologiques prédictifs de la réponse thérapeutique et l’évaluation de traitements immunosuppresseurs à visée curative.

    L’enjeu majeur réside désormais dans l’implémentation d’une détection précoce et systématique de ces autoanticorps, pour améliorer significativement la prise en charge de ces patients et éviter des interventions chirurgicales inutiles.

     

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