Rhumatologie
Ostéoporose : nouvelles recommandations américaines sur le dépistage
L'US Preventive Services Task Force (USPSTF) a réalisé une revue systématique pour évaluer les preuves des bénéfices et des risques du dépistage de l'ostéoporose pour prévenir les fractures chez les adultes de 40 ans ou plus ne souffrant pas d'un diagnostic connu d'ostéoporose ou d'antécédents de fracture de fragilité.
- AmnajKhetsamtip/istock
L’ostéoporose désigne un état de fragilisation du squelette lié à une diminution de la masse osseuse et une altération de la trame et de l’architecture de l’os, ce qui accroît sensiblement le risque de fractures dites de « fragilité » (ou « low-trauma »), survenant à la suite d’un choc minime. Ces fractures peuvent avoir des conséquences sérieuses sur la qualité de vie, entraînant des douleurs persistantes, une perte d’autonomie et une morbidité élevée, particulièrement dans le cas des fractures de la hanche chez la femme et chez l’homme. Le dépistage vise à repérer suffisamment tôt les personnes susceptibles de bénéficier d’une intervention thérapeutique afin de réduire ce risque fracturaire.
Sur la base des données de la National Health and Nutrition Examination Survey de 2017 à 2018, la prévalence de l'ostéoporose ajustée à l'âge est de 12,6 % chez les résidents américains âgés de 50 ans ou plus. La prévalence est plus élevée chez les femmes (19,6 %) que chez les hommes (4,4 %) et chez les personnes âgées de 65 ans ou plus (27,1 % chez les femmes et 5,7 % chez les hommes) que chez les personnes âgées de 50 à 64 ans (13,1 % chez les femmes et 3,3 % chez les hommes).
Le dépistage est systématique au-delà de 65 ans et au cas par cas en-dessous
Les nouvelles recommandations américaines de l'US Preventive Services Task Force (USPSTF) préconisent une ostéodensitométrie (DXA) chez toutes les femmes de 65 ans ou plus, car l’efficacité du dépistage dans cette population est considérée comme ayant un bénéfice modéré sur la prévention des fractures. Pour les femmes ménopausées de moins de 65 ans, il est conseillé de procéder d’abord à une évaluation des facteurs de risque d’ostéoporose, comme le faible poids corporel, le tabagisme, la consommation d’alcool, les antécédents familiaux de fracture de la hanche ou la prise prolongée de corticoïdes. Lorsque ces facteurs sont présents, l’emploi d’un outil de calcul du risque (Osteoporosis Self-Assessment Tool [OST], Osteoporosis Risk Assessment Instrument [ORAI], ou Fracture Risk Assessment Tool [FRAX], sans BMD) permet d’estimer la probabilité de fracture ou la présence potentielle d’une ostéoporose.
L'OST et l'ORAI ont été conçus pour identifier une ostéoporose (T score ≤-2.5), tandis que FRAX a été développé pour estimer les probabilités absolues à 10 ans de fracture de la hanche et de fracture ostéoporotique majeure. Si ce risque est jugé élevé, une ostéodensitométrie est alors recommandée. Chez les hommes, l’insuffisance de données ne permet pas de conclure à un bénéfice clair d’un dépistage systématique, même si l’on sait que l’incidence de l’ostéoporose reste loin d’être négligeable et que le risque de mortalité post-fracture y est relativement important. Le dépistage est réalisé au cas par cas en cas de facteurs de risque.
Les travaux ayant cherché à établir la fréquence optimale des tests de dépistage laissent à penser qu’un intervalle de quatre à huit ans pour la répétition de la DXA n’améliore pas fondamentalement la précision de la prédiction du risque de fracture. Cette périodicité peut cependant être modulée en fonction de la valeur du T-score initial, de l’âge et du niveau global de risque clinique. Certaines études indiquent qu’il faut parfois plus d’une dizaine d’années à une femme présentant une densité osseuse normale pour atteindre les valeurs ostéoporotiques, tandis que des scores initialement plus bas justifient un suivi plus rapproché. Aucune recommandation stricte de rythme de dépistage n’est fixée et la fréquence doit donc être individualisée selon les antécédents et le risque d’évolution.
Le traitement réduit le risque de fractures et de handicap
Les essais cliniques consacrés aux traitements démontrent qu’identifier tôt les personnes à risque élevé et les prendre en charge permet de réduire substantiellement l’incidence des fractures, en particulier au niveau vertébral et, dans une moindre mesure, au niveau de la hanche. Plusieurs classes médicamenteuses (bisphosphonates, denosumab, romosozumab, analogues de la parathormone) sont disponibles et ont montré leur capacité à freiner la perte osseuse, voire à accroître la densité minérale osseuse, tout en diminuant le risque de fracture : avec les bisphosphonates, le risque de fracture vertébrale diminue de façon significative (réduction relative pouvant approcher 50%), plusieurs études observent aussi un bénéfice, quoique souvent moindre que pour les fractures vertébrales (réduction relative variant autour de 30%). Les effets indésirables graves restent rares, quoique des complications telles que l’ostéonécrose de la mâchoire ou des fractures fémorales atypiques aient été rapportées, notamment lors de traitements prolongés.
La prise en charge non médicamenteuse demeure essentielle et repose sur plusieurs mesures complémentaires. L’exercice physique, notamment les activités d’endurance et de renforcement musculaire, aide à maintenir ou améliorer la densité osseuse tout en prévenant les chutes. L’amélioration de l’équilibre, l’aménagement du domicile, la correction des troubles de la vue et l’usage éventuel de dispositifs d’aide à la marche figurent parmi les stratégies de prévention des chutes. Les apports nutritifs doivent être adéquats, surtout en calcium et en vitamine D, que l’on peut compléter par une exposition solaire modérée selon les besoins. L’arrêt du tabac et la limitation de la consommation d’alcool sont également des leviers cruciaux pour réduire le risque d’ostéoporose et de fracture. L’ensemble de ces mesures, combinées à un dépistage et à des traitements ciblés, contribue à diminuer la morbidité et à préserver l’autonomie des personnes à risque ou atteintes d’ostéoporose.
En résumé, le dépistage de l’ostéoporose (notamment par densitométrie osseuse) est recommandé chez les femmes de 65 ans ou plus, et chez les femmes plus jeunes à risque élevé. La répétition de l’examen dépend de la densité osseuse initiale et des facteurs de risque, mais la littérature ne propose pas d’intervalle fixe pour tous. Le traitement de l’ostéoporose, une fois diagnostiquée, réduit de manière significative le risque de fracture, tant vertébrale que de la hanche. Les approches non médicamenteuses (exercice, prévention des chutes, amélioration du mode de vie) sont essentielles à chaque étape de la prise en charge.