Neurologie
Anti-TNF et atteinte inflammatoire du SNC : une méta-analyse confirme le risque
L’exposition aux anti-TNF dans les maladies auto-immunes augmenterait de 36% le risque d’atteinte inflammatoire du système nerveux central, principalement démyélinisante, sans différence majeure selon le type d’affection sous-jacente ni le type d’anti-TNF. Le risque est donc plus faible qu'annoncé jusqu'ici mais il nécessite une vigilance neurologique, et doit être mis en balance avec les bénéfices thérapeutiques substantiels de cette biothérapie.
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Les maladies auto-immunes, dont l’incidence mondiale avoisine 10 %, sont fréquemment traitées par anti-TNF depuis la fin des années 1990. Cette classe thérapeutique, en améliorant le contrôle inflammatoire de ces maladies, a transformé le pronostic de pathologies telles que la polyarthrite rhumatoïde, le psoriasis, les spondylarthrites ou encore les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. Cependant, des événements indésirables rares mais sérieux, notamment des atteintes inflammatoires du système nerveux central (SNC), incluant des maladies démyélinisantes ou apparentées à la sclérose en plaques, ont été rapportés, suscitant la vigilance des autorités de santé.
Dans ce contexte de controverses sur l’existence et l’ampleur d’un risque accru d’atteinte inflammatoire du système nerveux central, une méta-analyse observationnelle incluant 18 études (soit plus d’un million de patients et plus de 5,6 millions de personnes-années de suivi) a été réalisée. Les résultats, publiés dans The JAMA Neurology, suggèrent que par comparaison avec les traitements conventionnels, l’exposition aux anti-TNF entraînerait une augmentation significative de 36% du risque d’atteintes inflammatoires du SNC (RR : 1,36 ; IC95 % : 1,01-1,84), essentiellement démyélinisantes. Les incidences de ces événements varient entre 2,0 et 13,4 pour 10 000 personnes-années selon les études.
Un risque constant quel que soit la pathologie nécessitant la prescription d’anti-TNF
L’analyse de sous-groupes révèle que ce sur-risque ne dépendrait pas du type de maladie auto-immune traitée. Polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite ankylosante, psoriasis, rhumatisme psoriasique ou maladie intestinale inflammatoire : toutes auraient un profil de risque similaire.
De même, aucun écart majeur n’apparaît entre les différents anti-TNF (anticorps monoclonaux versus étanercept). Seule une légère hausse du risque est relevée avec le certolizumab pégol, mais le faible nombre d’études ne permet pas de conclure.
En termes de tolérance, si l’on replace cette augmentation du risque dans le contexte des bénéfices des anti-TNF, il convient de noter que le risque absolu reste faible. Cela n’empêche toutefois pas de recommander une surveillance neurologique. Par ailleurs, l’hétérogénéité des résultats reste modérée, et aucune différence notable de tolérance n’a été observée selon la gravité de la maladie sous-jacente, même si des facteurs confondants ne sont pas totalement exclus.
Une méta-analyse de grande envergure sur des études observationnelles
Ces données proviennent d’une revue systématique et d’une méta-analyse d’études observationnelles de grande envergure, combinant des cohortes nationales et internationales, afin de pallier la rareté intrinsèque de ces événements. Toutefois, malgré le grand nombre de patients, des biais de confusion résiduels (sévérité de la maladie, absence d’évaluation neurologique systématique) peuvent exister. L’identification des cas repose souvent sur les données de codage diagnostic, limitant la précision, et aucune imagerie cérébrale prospective systématique n’a été rapportée. Ces limites méthodologiques rappellent que le risque mesuré demeure une estimation et non une certitude absolue.
Sur le plan pratique, ces résultats devraient inciter les médecins à peser attentivement le rapport bénéfice/risque des anti-TNF, en particulier chez les patientes jeunes et ayant des symptômes neurologiques atypiques ou à risque élevé. La surveillance régulière et la sensibilisation des patients à l’apparition de troubles neurologiques (fourmillements, troubles visuels, moteurs ou sensitifs inexpliqués) sont conseillées.
Sur le plan de la recherche, les auteurs recommandent d’explorer plus en détail les mécanismes physiopathologiques sous-jacents, d’évaluer la pertinence de stratégies de dépistage neurologique précoce, et d’étudier le profil de risque des nouvelles alternatives thérapeutiques aux anti-TNF. De futures études, idéalement prospectives, permettront d’affiner le profil de sécurité des traitements biologiques et d’orienter vers une prise en charge encore plus personnalisée et sécurisée.