Gériatrie
Patients âgés : les gabapentinoïdes augmenteraient le risque de fracture de hanche
Chez les patients âgés souffrant de douleurs chroniques, l'utilisation de gabapentinoïdes serait associée à un risque accru de fracture de la hanche, surtout chez les patients fragiles ou atteints d'insuffisance rénale chronique. Une évaluation minutieuse de la fragilité et de la fonction rénale est essentielle avant de prescrire de les prescrire.
- Liubomyr Vorona/istock
Les gabapentinoïdes, principalement la prégabaline et la gabapentine, sont de plus en plus prescrits pour le traitement des douleurs neuropathiques et chroniques type fibromyalgie, notamment chez les personnes âgées. Bien qu'ils soient considérés comme une alternative plus sûre que les opioïdes, leur profil d'effets indésirables chez les patients âgés reste mal connu.
Cette étude visait à évaluer l'association entre l'utilisation de gabapentinoïdes et le risque de fractures de la hanche, en se concentrant sur les patients âgés de plus de 65 ans, en tenant compte de leur statut de fragilité et de la présence d'une insuffisance rénale chronique. L’étude est publiée dans The JAMA Network.
Un risque de fracture de hanche majoré
Dans cette étude de type cas-contôle en fonction du temps, réalisée en Australie, 28 293 patients hospitalisés pour une fracture de la hanche entre mars 2013 et juin 2018 ont été analysés. Parmi eux, 2 946 avaient reçu une prescription de gabapentinoïdes avant leur fracture.
Les résultats montrent que la prescription de gabapentinoïdes est associée à une augmentation significative du risque de fracture de la hanche, avec un odds ratio (OR) ajusté de 1,30 (IC à 95 % : 1,07-1,57). Ce risque est particulièrement élevé chez les patients qui ont une fragilité importante (score de fragilité ≥5), avec un OR de 1,75 (IC à 95 % : 1,31-2,33), et chez ceux atteints d'insuffisance rénale chronique, avec un OR de 2,41 (IC à 95 % : 1,65-3,52).
Ces données suggèrent que la fragilité et l'insuffisance rénale sont des facteurs de risque majeurs à considérer avant de prescrire des gabapentinoïdes chez les patients âgés.
Un risque qui concerne surtout la prégabaline
Concernant les autres résultats, l'association entre les gabapentinoïdes et le risque de fracture de la hanche est similaire dans les différents groupes d'âge au-delà de 65 ans. Les analyses de sous-groupes n'ont pas montré de différence significative en fonction du sexe ou de l'utilisation concomitante d'autres médicaments agissant sur le système nerveux central.
Les patients fragiles, évalués à l'aide du Hospital Frailty Risk Score (HFRS), ont un risque accru, soulignant l'importance de cette évaluation dans la pratique clinique. De plus, l'insuffisance rénale chronique, qui peut entraîner une accumulation des gabapentinoïdes et augmenter le risque d'effets indésirables neurologiques, est associée à un risque significativement plus élevé de fracture. Les auteurs n'ont pas pu analyser l'effet spécifique de chaque gabapentinoïde en raison du faible nombre de patients sous gabapentine, mais la majorité des prescriptions concernaient la prégabaline.
Une analyse cas-témoin sur une base de données
Les données de cette étude proviennent d'une analyse des bases de données administratives de l'État de Victoria en Australie. Les patients inclus étaient hospitalisés pour une première fracture de la hanche et avaient au moins une prescription de gabapentinoïdes avant la fracture. La méthodologie cas-témoin en fonction du temps permet de contrôler les facteurs de confusion invariants dans le temps et d'ajuster pour les tendances temporelles dans la prescription des médicaments.
Cependant, certaines limites existent, notamment l'incapacité de confirmer l'observance médicamenteuse, de déterminer les doses exactes prises par les patients et de contrôler entièrement les facteurs de confusion variables dans le temps, tels que l'aggravation de la douleur neuropathique ou d'autres conditions aiguës. De plus, l'évaluation de la fragilité était basée sur les codes diagnostiques de l'ICD-10-AM, ce qui peut ne pas capturer toutes les dimensions de la fragilité.
En pratique
Les gabapentinoïdes sont activement transportés à travers la barrière hémato-encéphalique et inhibent la libération de neurotransmetteurs par de multiples voies. Cela explique pourquoi les gabapentinoïdes sont efficaces contre divers troubles du système nerveux central (SNC) et ont des effets indésirables sur le SNC, notamment la somnolence, des vertiges, des troubles de la marche et des troubles de l'équilibre. Ces effets indésirables peuvent se traduire par un risque accru de chutes et de fractures chez les personnes âgées.
Ces résultats ont donc des implications cliniques importantes. Ils suggèrent que les gabapentinoïdes doivent être prescrits avec prudence chez les patients âgés, en particulier chez ceux qui sont fragiles ou qui ont une insuffisance rénale chronique. Les cliniciens devraient évaluer attentivement le rapport bénéfice-risque avant de débuter un traitement par gabapentinoïdes chez ces patients. L'utilisation d'outils d'évaluation de la fragilité, comme le HFRS, pourrait aider à identifier les patients à risque accru d'effets indésirables. De plus, une surveillance étroite et des ajustements posologiques pourraient être nécessaires pour les patients insuffisants rénaux afin de minimiser le risque de fractures de la hanche.