Entretien avec le Pr Antoine Pelissolo
Hypocondriaques : comment les soigner
13 % des Français sont angoissés à l’idée d’être malade ou de le devenir, même sans en présenter les symptômes. Pour d'autres cette anxiété bascule dans l'hypocondrie, une pathologie qui se soigne.
- Sortie mercredi 26 février du film de Dany Boon: "Supercondriaque" (OUVANT GUILLAUME/SIPA)
D’après une récente étude Ifop/Capital Image (1), un dixième des Français sont angoissés à l’idée d’être malade ou de le devenir, et ce sans avoir de symptômes. En conséquence, près des trois quarts de ces personnes vont rechercher de l’information sur Internet et 61 % vont en discuter avec leurs proches. Ceux-ci vont également consulter leur médecin (59 %), voire plusieurs médecins.
Mais dans certains cas, l'angoisse est un véritable syndrome : "l’hypocondrie". La première image qui vient à l’esprit lorsque l’on parle de cet état est sans doute celle du malade imaginaire de Molière. « Mais en réalité, l’hypocondrie est tout à fait sérieuse et bien plus complexe qu’elle n’y paraît », confie le Pr Antoine Pelissolo, psychiatre à l'hôpital Henri-Mondor (Créteil) contacté par la rédaction de pourquoidocteur.
A quoi reconnaît-on un patient hypocondriaque ?
Pr Antoine Pelissolo : On parle d'un problème d'hypocondrie lorsque la personne n'arrive pas à se rassurer sur son état de santé. A la différence des anxieux, les hypocondriaques ne parviennent pas à apaiser les inquiétudes qu'ils ont en eux, même après une ou plusieurs visites chez le médecin. De plus, même lorsque leurs symptômes ne correspondent pas à des recherches sur Internet et qu'ils sont en bonne santé, les doutes persistent et reviennent très vite. C'est une forme d'anxiété dans laquelle le patient craint toujours d'être malade ou contaminé par les autres.
Tous les hypocondriaques passent-ils leur vie chez le médecin ?
Pr Antoine Pelissolo : Non pas forcément. Car certains hypocondriaques sont à peu près certains que les résultats de leurs examens médicaux vont être négatifs. Pour eux, cela peut faire repousser le dépistage, même lorsqu'il est nécessaire. Dans ce cas, c'est très problématique. Et chez ces patients, l'hypocondrie, ou l'anxiété, est associée à une phobie, celle des maladies et la peur de les attraper. C'est aussi une des raisons pour laquelle le patient ne sort pas, il préfère vivre reclus chez lui. Chez ces cas extrêmes, l'hypocondrie est inhibitrice, et maintient le patient dans une attitude passive, loin de tous les cabinets médicaux.
Comment les médecins-ils doivent réagir face à un patient hypocondriaque ?
Pr Antoine Pelissolo : Pour les médecins généralistes, c'est toujours très compliqué. Personnellement, je leur conseille d'orienter ces patients vers une thérapie psychologique, psychologue ou psychiatre. Parce que bien souvent le problème est psychologique chez ces malades. Si le patient est réfractaire, il faut insister. C'est en abordant les questions de fond que l'on peut guérir un hypocondriaque. Parfois, la cause de la pathologie peut remonter très loin dans le passé (exemple, un proche malade durant l'enfance).
Est-ce une pathologie qui se soigne facilement ?
Pr Antoine Pelissolo : Quand on met en place une thérapie, en général, on obtient de bon résultats chez les hypocondriaques. Mais ça demande un fort investissement de la part du patient. Plus on intervient vite, plus la durée de la guérison est courte. Concernant les médicaments, ils ne sont pas indiqués dans la cadre d'une hypocondrie. Si un médecin en prescrit, c'est qu'il y a une autre pathologie derrière. Soit une dépression, voir même des phobies !
(1) Enquête réalisée en juillet dernier auprès d’un échantillon de plus de 1000 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.