La revue « Prescrire » demande son retrait
Le Motilium aurait causé 25 à 120 morts subites en 2012
En rapprochant les données de l'Assurance maladie et la fréquence des morts subites en France, la revue Prescrire estime que 25 à 120 morts subites sont imputables au Motilium en 2012.
Depuis 2005, plusieurs études épidémiologiques, néerlandaises et canadiennes, ont montré que les morts subites cardiaques sont environ 1,6 à 3,7 fois plus fréquentes en cas d'exposition à la dompéridone, une substance contenue dans l’anti-vomitif Motilium et ses génériques. Avant même de préciser les risques imputables à ce célèbre médicament, dans son article publié ce mercredi, la revue Prescrire rappelle qu’il n’est même pas très efficace pour lutter contre son indication principale à savoir, les nausées et les vomissements. Dans ce contexte, la revue médicale indépendante demande donc que les autorités sanitaires retirent cette molécule du marché une bonne fois pour toute .
Au moins 3 millions de Français ont pris du Motilium en 2012
Dans son analyse publiée aujourd’hui à partir notamment de données issues de l'assurance maladie, la rédaction de « Prescrire » estime qu’environ 7 % de la population générale a reçu au moins une dispensation de dompéridone en 2012, soit environ 3 millions de personnes. Chez les enfants, cette part serait plus importante encore, avec 18% des 0 à 4 ans concerné. Mais plus préoccupant encore, ce travail révèle qu’environ 23% de ces personnes ont reçu le même jour une prescription d’un autre médicament connu pour potentiellement majorer le risque d’arythmie sous dompéridone.
Entre 25 et 120 décès en 2012, peut-être davantage…
Afin de quantifier plus précisément le risque de mort subite dû à ce médicament dans la population française, la rédaction de Prescrire a donc croisé les données de l’Assurance Maladie avec les dernières études portant sur l’augmentation du risque de mort subite sous dompéridone. Tout d’abord en prenant comme point de départ l’étude canadienne donnant une fréquence de mort subite d’environ 60% plus importante que la normale sous l’effet du médicament, les auteurs estiment qu’en 2012 environ 25 décès lui seraient directement imputables. Enfin, à partir des études néerlandaises mettant en évidence un risque encore plus important, l’analyse de la revue Prescrire porte ce nombre de décès potentiels et évitables à environ 120. Même si les auteurs de ce travail reconnaissent eux-mêmes que ces chiffres sont peut-être surestimés car les patients ne prennent pas toujours leur traitement durant toute la durée prescrite, selon eux, il est surtout possible, qu’ils soient en réalité plutôt sous-estimés. Les morts chez les patients atteints de cancer, deux fois plus exposés à ce médicament que la population générale, ne sont pas comptabilisés dans cette étude, ni les décès potentiels survenues probablement chez quelques enfants.
Une décision européenne attendue en mars 2014
Alors que fin 2011, l'Agence française du médicament (ANSM) et le principal laboratoire concerné ont informé médecins et pharmaciens de ce risque de mort subite, pour la revue Prescrire il est désormais urgent que ce médicament soit retiré du marché. En mars 2014, l'Agence européenne du médicament est d’ailleurs sensée se prononcer sur le sort de la dompéridone. Cependant toujours selon la revue indépendante, il est à craindre qu'elle se contente de préconiser des baisses de posologies ou de durée de traitement. Des mesures insuffisantes pour protéger pleinement les patients. « Il est grand temps d'écarter des soins ce médicament qui peut aisément être remplacé par de meilleures solutions pour les patients. En pratique, souvent, les troubles qui motivent la prise de dompéridone disparaissent spontanément, ou avec l’appoint de mesures diététiques » précise la revue.