1 Français sur 3 concerné
« Les maladies du cerveau méritent le même investissement que le cancer »
La Fédération pour la recherche sur le cerveau réclame un Plan Cerveau pour financer des travaux sur l’Alzheimer, le Parkinson, mais aussi l’autisme et toutes les maladies psychiatriques.
« Aujourd'hui on sait réparer le cerveau d'un ordinateur. Pas celui d'un être humain. Faute de moyens. » Le slogan retenu pour le Neurodon qui se déroulera du 10 au 16 mars prochains mise sur la franchise pour convaincre les Français que s’ils ne financent pas, par leurs dons, la recherche sur les maladies du cerveau, personne d’autre ou presque ne le fera.
L’industrie n’investit pas
« Le cerveau est probablement l’objet le plus complexe sur terre. Il nous faut d’abord comprendre son fonctionnement normal pour espérer trouver des traitements efficaces lorsqu’il dysfonctionne. Cet effort-là ne peut être consenti que par l’Etat car les industriels ne peuvent en espérer aucun retour sur investissement rapide », explique le Pr André Nieoullon, président du conseil scientifique de la Fédération pour la recherche sur le cerveau (FRC), qui est à l’initiative du Neurodon.
Le problème, c’est que les maladies du cerveau ne font pas vraiment partie des priorités des pouvoirs publics en matière de recherche. « Ce qui est en décalage total avec les enjeux sociétaux de ces maladies, souligne le Pr Nieoullon. Car si l’on considère les maladies neurodégénératives comme Alzheimer et Parkinson, les maladies neurologiques comme l’épilepsie et les maladies psychiatriques, près d’1 Français sur 3 est concerné. Et ce sont des maladies chroniques, nécessitant des prises en charge coûteuses pendant de très nombreuses années. »
L’Etat a d’autres priorités
Alors que le Président de la République vient d’annoncer, dans le Plan cancer III, un budget de 363 millions d’euros sur 5 ans pour la recherche en oncologie, la FRC réclame, plus que jamais, un plan Cerveau. D'autant que les découvertes concernant une pathologie bénéficient souvent aux autres maladies du cerveau. « Il y a une quinzaine d'années, les Français ont été les pionniers, à Grenoble, de la stimulation intra-crânienne dans la maladie de Parkinson. Aujourd'hui, des études sont en cours pour l'appliquer dans les TOC, les troubles obsessionnels du comportement ou encore chez les épileptiques », souligne Jean-Marie Laurent, président de la FRC.
Ecoutez le Pr André Nieoullon, chercheur en Neurosciences à l’Université d’Aix-Marseille et président du conseil scientifique de la FRC : « Il faudrait que les maladies du cerveau bénéficient des mêmes investissements que le cancer, les progrès dans la recherche et dans la prise en charge seraient de la même ampleur. » La FRC a interrogé près de 300 laboratoires de recherche pour connaître les besoins des équipes et les résultats de ce sondage font apparaître de sérieuses lacunes de financements pour l’acquisition de matériel et d’équipements, notamment d’imagerie. Mais 70% des laboratoires interrogés ont également souligné leurs difficultés à financer les contrats de thèses des jeunes chercheurs, indispensables au fonctionnement des équipes. Alors qu’elle finançait jusqu’ici des projets de recherche et non des salaires, la FRC a donc décidé d’utiliser une partie des dons des Français pour financer des bourses de thèses. Ecoutez Jean-Marie Laurent, président de la Fondation pour la recherche sur le cerveau : « Il y 4 ou 5 ans, nous avions 40 dossiers de candidature pour notre appel d’offres. En 2013, nous avons eu 160 dossiers, c’est bien la preuve que les moyens manquent ! » Les plans Alzheimer et autisme délaissent l’axe recherche Les spécialistes des neurosciences notent toutefois certaines avancées. L’Europe a décidé d’investir dans le Human Brain Project (même si la récente votation suisse contre l’immigration de masse pourrait remettre en cause ce partenariat centré sur l’Université de Lausanne). Les Etats-Unis se mobilisent également autour d’un projet de cartographie du cerveau baptisé Big Brain. En décembre, un sommet du G8 a été entièrement consacré à la démence. « Ce sont des décisions qui vont dans le bon sens mais elles restent encore bien trop timides », souligne le Pr Nieoullon. Même déception face aux plans Maladies neurodégénératives et autisme. Devant les attentes des familles en matière de prise en charge médico-sociale, la répartition des fonds alloués n’est pas du tout en faveur de la recherche. Ecoutez le Pr André Nieoullon : « Dans le plan autisme, l’investissement recherche est ridicule. Dans le plan Maladies neurodégénératives qui est annoncé, la priorité, c’est la prise en charge médico-sociale. » Tout en espérant que les pouvoirs publics entendent leur appel, les chercheurs en neurosciences, neurologie et psychiatrie compteront donc sur la générosité des Français pendant le Neurodon pour contribuer au financement de leurs travaux.