Interdit mais persistant
Pesticides : l’exposition au DDT augmenterait le risque d’Alzheimer
Polluant persistant encore utilisé dans la lutte contre le paludisme dans les pays tropicaux, l’insecticide DDT serait associé à une augmentation du risque et de la sévérité de la maladie d’Alzheimer.
Depuis mai 2012, les agriculteurs peuvent faire reconnaître comme maladie professionnelle une maladie de Parkinson causée par les pesticides. En sera-t-il un jour de même pour Alzheimer ? Une expertise collective réalisée par l’INSERM en juin 2013 évoquait « la présomption d’un lien entre l'exposition aux pesticides et la maladie d’Alzheimer ».
Une étude publiée dans la revue JAMA Neurology apporte de nouveaux éléments à charge. Ces chercheurs de l’université américaine Rutgers au New Jersey ont mis en évidence un lien entre l’exposition au DDT, un pesticide organochloré, et le risque de développer une forme plus sévère de maladie d’Alzheimer.
¾ des échantillons sanguins encore contaminés
Dans les pays occidentaux, le DDT est interdit depuis 1972, notamment en raison de son impact délétère sur l’environnement et les oiseaux. Mais il continue à être utilisé dans les pays du Sud en lutte contre le paludisme. Polluant organique persistant, le DDT s’accumule dans la chaîne alimentaire et reste présent dans l’environnement pendant plusieurs dizaines d’années. Les chercheurs américains ont ainsi retrouvé du DDE, le composé chimique résultant de la dégradation du DDT dans l’organisme, dans 75 à 80% des échantillons sanguins prélevés chez des personnes âgées plus de 30 ans après l’interdiction de l’insecticide.
Un risque de développer Alzheimer multiplié par 4
Cette équipe a comparé les analyses sanguines de 86 malades d’Alzheimer et 79 personnes du même âge (74 ans en moyenne) mais non malades. Les taux de DDE étaient 3,8 fois plus élevés dans le sang des malades par rapport aux témoins. Les malades présentant les taux sanguins les plus élevés du pesticide avaient un risque d’Alzheimer multiplié par 4,2 et étaient également ceux dont les scores aux tests cognitifs étaient les plus faibles.
Les chercheurs ont également observé que les scores cognitifs les plus bas, signe d’une maladie très avancée, correspondaient à des personnes très imprégnées par le DDE et porteuses du gène de prédisposition à la maladie d’Alzheimer (l’allèle ApoE4).
Il semble donc que les porteurs de cet allèle à risque soient encore plus vulnérables aux effets du DDT. « Nous devons mener d’autres études pour déterminer si le DDT et le DDE contribuent directement au processus de formation des plaques amyloïdes lorsque la maladie d’Alzheimer progresse et comment ces composés chimiques interagissent avec le gène ApoE4 », explique Jason Richardson, l’un des auteurs de l’étude.
Selon ces chercheurs, la recherche sanguine de taux élevés de DDE pourrait également être un outil de diagnostic de la maladie d’Alzheimer, le diagnostic précoce étant particulièrement crucial dans les maladies neurodégénératives.