Mortalité infantile et maternelle
L'outre-mer malade de son système de santé
Dans un rapport, la Cour des comptes dénonce le manque de pilotage et de stratégie de santé de l’Etat en outre-mer. En témoigne indicateurs de mortalité infantile et maternelle.
Une obésité galopante, trois fois plus de cas de diabète, une mortalité prématurée élevée, les DOM-TOM présentent des indicateurs de santé inquiétants et des lacunes dans la prévention depuis longtemps déjà. Et d'après la Cour des comptes, la situation ne serait pas sur le point de s'arranger. Dans son dernier rapport publié ce jeudi, l'autorité financière dresse un portrait sévère de la santé dans les outre-Mer, et pointe du doigt la responsabilité de la République à l'égard de ces concitoyens.
Des pathologie rares demeurent
En détails, la rapport indique que les différents départements et territoires d'outre-mer connaissent une situation sanitaire fortement contrastée de l’un à l’autre et au sein de chacun d’eux. Cependant, tous ces territoires dans leur ensemble sont confrontés à certaines difficultés persistantes : mortalité infantile et maternelle élevée, incidence importante des maladies infectieuses (chikungunya à La Réunion et aux Antilles, zika en Polynésie française) et chroniques (diabète notamment), diffusion de conduites addictives.
Par ailleurs, des pathologies rares en métropole, telles que la leptospirose ou le rhumatisme articulaire aigu, demeurent courantes dans une partie des outre-mer. Enfin, des risques environnementaux spécifiques, tels que notamment le chlordécone aux Antilles, ont un fort impact sanitaire. Et la précarité économique aggrave de plus la vulnérabilité des populations résidant là-bas.
Au final, même si l’ampleur des efforts financiers consentis par l’État a permis, entre 1990 et 2010, une progression de l’indice de développement humain (1) supérieure en outre-mer à celle de la métropole, des écarts de 12 à 28 ans demeurent cependant avec cette dernière, selon cet indice, précisent les auteurs.
Prévention: des moyens insuffisants
En outre, alors que la prévention est partout inscrite comme une priorité, les moyens qui lui sont alloués sont fréquemment insuffisants pour réussir véritablement à éviter des dépenses de soins. Par exemple, la médecine ambulatoire, qui joue un rôle essentiel, est en outre-mer handicapée par de nombreux écueils, comme la répartition très inégale des professionnels entre bassins de vie ou la coordination insuffisante des tâches entre professionnels de santé.
A cause de ces difficultés, le secteur hospitalier constitue le plus souvent l’armature du système de soins. Mais il peine à assurer ses missions, en raison, notamment, d’insuffisances de gestion parfois lourdes de conséquences. De coûteuses évacuations sanitaires doivent être effectuées vers la métropole. Au final, les données obtenues par la Cour des comptes ont permis d’estimer à 6,6 Md€ les dépenses prises en charge en 2012 dans les outre-mer par les différents systèmes de protection sociale.
La nécessité d’une stratégie publique
Dernier conclusion, « l’État n'a pas de stratégie globale cohérente sur le système de santé en outre-mer. Faute de hiérarchisation des priorités, les résultats obtenus n’ont pas été à la hauteur des moyens alloués », est-il écrit dans ce rapport. Comme exemple, les auteurs citent les dépenses de soins qui varient parfois du simple au quadruple selon le lieu, sans justification épidémiologique. « Les exemples contrastés de Mayotte, de Saint-Pierre et Miquelon, de Wallis-et-Futuna ou de la Guyane, qui illustrent les difficultés d’un État pourtant en situation de responsabilité directe, soulignent l’urgence d’une telle stratégie globale. »
Les recommandations de la Cour des comptes
Alors, pour tenter d'améliorer la situation sur place, la Cour formule 14 recommandations visant à mieux connaître, mieux coordonner et agir plus efficacement pour la santé en outre-mer, selon une stratégie d’ensemble et pluriannuelle. Celle-ci devrait permettre de réduire les écarts les plus graves en termes d’accès aux soins et d’égalités des chances.
Comme proposition marquante, la juridiction demande à l'Etat de charger les Agences régionales et territoriales de santé de rééquilibrer les financements au profit d’un programme de prévention spécifique. Il est aussi conseillé au gouvernement de décliner dans un programme de santé publique pour les outre-mer la stratégie nationale de santé et la future loi de santé publique dans un volet outre-mer. C'est maintenant à la ministre de la Santé, Marisol Touraine, que cette tâche gigantesque revient.
(1) L'IDH se fonde sur trois critères majeurs : l'espérance de vie à la naissance, le niveau d'éducation, et le niveau de vie.