Exposition au marketing alcoolier
Mondial 2014 : victoire des marques d’alcool et défaite de la santé
Selon un article publié dans la célèbre revue British Medical Journal, les marques d'alcool sont déjà les "vrais vainqueurs" de la coupe du Monde. Les liens de la FIFA avec les industriels du secteur sont dénoncés.
Quelque soit la nation qui gagnera la Coupe du Monde 2014, le gagnant est déjà connu. Ce ne sera pas le Brésil ou même peut-être la France, mais tout simplement l’alcool. C'est le point de vue que développe le journaliste indépendant Jonathan Gornall dans un article qui vient d’être publié dans la célèbre revue le British Medical Journal (BMJ).
Alors que l’an dernier les pouvoirs publics britanniques avaient été catégoriques concernant l’assouplissement éventuel des lois concernant les licences d’alcool dans les pubs, finalement les industriels du secteur ont déjà remporté la victoire. « Le Brésil, pays-hôte, est certainement le favori pour remporter ce Mondial 2014. Mais peu importe le pays qui soulèvera le trophée le 13 juillet, le vrai vainqueur sera l'industrie de l'alcool », affirme Jonathan Gornall dès le début de son article. Le drame selon lui, sera donc que cet événement extrêmement suivi à travers le monde, sera également l’occasion pour des milliers de jeunes d’être exposés au marketing puissant et agressif des marques d’alcool.
Des liens étroits entre l’alcool et le monde du football
« Les nations réclamant d’accueillir la Coupe du Monde et la Fédération internationale de football (FIFA) possèdent un long passif consistant à soutenir les intérêts financiers de ses partenaires, notamment Budweiser, le sponsor officiel du tournoi pour la bière, tout en imposant des conditions extrêmes aux gouvernements à travers le monde », s’insurge Jonathan Gornall dans son article du BMJ.
Il précise par exemple l’une de ces règles les plus controversée : le pays d'accueil doit renoncer à l'impôt sur les bénéfices réalisés par les partenaires commerciaux de la FIFA lors de la Coupe du monde, une condition obscène qui laissera des sponsors tels que Budweiser libres de repartir du Brésil avec les poches bien remplis. Un manque à gagner d’environ 312 millions de livres sterling d’après l’estimation faite par l’organisme de lutte contre la pauvreté InspirAction. « Le prix de ces allégements fiscaux pour ces géants sera payé par les personnes vivant dans la pauvreté au Brésil, a déclaré Isabel Ortigosa d’InspirAction dans un communiqué. Les millions que la FIFA exige pour ses sponsors devraient être utilisées au profit de nombreuses communautés pauvres du Brésil, et ne pas servir à enrichir davantage les puissants ». Enfin Jonathan Gornall cite le Qatar pour illustrer le pouvoir de la Fifa. Selon lui, même ce pays musulman strict où la législation sur l'alcool est très sévère a déjà autorisé la vente d'alcool dans les endroits où les supporteurs se trouveront en 2022.
La santé publique, grand perdant des Mondiaux de football
Ainsi d’après la tribune de ce journaliste dans le BMJ, le plus grand perdant des Coupes du Monde, année après année est la santé publique. Il rappelle toutefois que la France a interdit en 1991 la publicité et les sponsors liés à l'alcool dans le sport. Il cite notamment une étude publiée en 2013 qui a évalué l’impact du Mondial 2010 par rapport aux consultations aux urgences en Grande-Bretagne à cette période. Résultat : les auteurs de ce travail avaient montré que les admissions aux urgences à la suite d’agressions, le plus souvent associées à l’alcool, avaient augmenté de 37,5% les jours où l’équipe d’Angleterre avait joué.
L’article du BMJ souligne qu’au Brésil, les experts de la santé publique craignent déjà l’héritage qui sera laissé par cette Coupe du Monde. Ils appréhendent par exemple un retour aux jours sombres de la violence dans les stades alimentée par l’alcool. Selon ces spécialistes, la Fifa, au nom de Budweiser, aurait même harcelé le gouvernement brésilien pour qu’il abandonne son interdiction de longue date sur la présence d’alcool dans les stades. « C'est choquant que la Fifa puisse venir dans un pays et le faire changer ses lois, peste le Pr Ronaldo Laranjeira, psychiatre à l’Université de Sao Paulo. Nous avons été très actifs pour tenter d'embarrasser le gouvernement sur cette question, mais à la fin c’est l'industrie de l'alcool qui a gagné. Mais la principale crainte de ces experts est que cette suspension temporaire de loi ne persiste et devienne permanente après le Mondial.