Plus de 5500 pétitionnaires

La proposition de loi sur la résidence alternée inquiète les médecins

Les députés examineront lundi une proposition de loi sur l’autorité parentale. Les spécialistes dénoncent dans une pétition un risque de systématisation de la résidence alternée, un mode de garde pouvant être nocif pour les enfants.

  • Par Afsané Sabouhi
  • DURAND FLORENCE/SIPA
  • 16 Mai 2014
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    « Nous considérons que le projet de loi envisageant la résidence alternée paritaire comme mode de garde prioritaire en cas de séparation parentale fait courir un risque prouvé pour le développement affectif des enfants ». Dans une pétition signée à ce jour par plus de 5500 pédopsychiatres et psychologues, des spécialistes s’inquiètent de la systématisation de la résidence alternée de l’enfant en cas de divorce. La proposition de loi socialiste sur l’autorité parentale, qui doit être étudiée par les députés à partir de lundi, pose en effet comme principe de fixer, sauf circonstances exceptionnelles, la résidence de l’enfant au domicile de chacun de ses parents.

    Ni bonne ni mauvaise solution a priori

    Selon les chiffres du ministère de la Justice, la part d’enfants mineurs pour lesquels une résidence alternée a été prononcée est déjà passée de 9,9 % en 2004 (14 000 familles concernées) à 16,4 % en 2012 (27 000 familles concernées). Pour les signataires du texte, graver dans le marbre législatif le système « une semaine chez papa, une semaine chez maman » répond certes aux revendications des associations de pères mais n’est pas forcément dans l’intérêt de l’enfant. « Cette recherche de l’équité par la symétrie absolue entre les 2 parents est potentiellement dangereuse pour l’enfant. Le système de garde doit s’envisager au cas par cas. Il n’y a ni bonne ni mauvaise solution a priori et surtout, il n’y a pas de système qui évite la souffrance », insiste le Dr Marie-Michèle Bourrat, pédopsychiatre et présidente de la société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent.

    Délicat pour les tout-petits et les ados

    L’âge de l’enfant est un critère important dans la décision. « La garde alternée s’adapte probablement mieux aux enfants qu’aux tout-petits et aux adolescents », précise la pédopsychiatre.


    Ecoutez le Dr Marie-Michèle Bourrat
    , pédopsychiatre et présidente de la société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent : « L’adolescent est en phase de reconstruction de sa structuration de personnalité, il a besoin d’un lieu à lui qui ne change pas toutes les semaines. »

     


    Impensable en cas de conflit parental

    Chez les tout-petits, la difficulté vient du fait qu’entre 0 et 3 ans, il construit son système relationnel et a besoin de stabilité pour créer ce lien d’attachement. La séparation d’une semaine avec l’autre parent est donc trop longue et peut créer un sentiment d’insécurité, des crises d’angoisse ou encore des problèmes d’hyperactivité. Les signataires de la pétition demandent donc aux députés que « la loi inscrive l’interdiction d’ordonner une résidence alternée pour un enfant âgé de moins de 6 ans, sauf accord librement consenti par les deux parents  et dans toutes les situations de conflit parental ouvert, quelque soit l’âge de l’enfant ». La réussite d’une résidence alternée repose en effet beaucoup sur la capacité des parents à mettre à distance leur propre conflit pour parvenir à s’organiser dans l’intérêt de l’enfant, dont la parole doit être prise en compte par le juge.

    Ecoutez le Dr Marie-Michèle Bourrat : « L’enfant doit être écouté mais il ne faut pas lui laisser la responsabilité de la décision, ce serait dangereux pour son devenir. »


     

    Pour les spécialistes, au lieu de figer la résidence alternée par la loi, il faudrait au contraire introduire davantage de souplesse et pouvoir plus facilement réévaluer la décision à mesure que l’enfant grandit. « Lorsque les parents refont leur vie, changent de travail ou déménagent, lorsque l’enfant devient adolescent, s’il rencontre des difficultés avec ce schéma alterné, il serait très important de pouvoir rediscuter les choses avec le juge », souligne la présidente de la société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, qui espère que les parlementaires ne voteront pas le texte sans avoir au moins consulté les sociétés savantes spécialistes du psychisme de l’enfant.

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