1er organisme vivant semi-synthétique
ADN : l'alphabet du vivant enrichi par deux nouvelles lettres
La création d'une bactérie semi-synthétique par des chercheurs américains pourrait révolutionner le monde scientifique. Cette étude, publiée dans Nature, est une avancée fondamentale.
Quatre lettres composent l'alphabet de la vie, l'ADN. Selon les travaux d'une équipe de chercheurs américains – qui affirment avoir créé le tout premier organisme vivant semi-synthétique - il faudra en compter désormais six.
Cette étude, mise en ligne ce mercredi 8 mai dans la revue scientifique Nature, est une avancée fondamentale dans cette recherche menée depuis des décennies.
L'équipe de chercheurs, dirigée par Floyd E Romesberg, vient d’ajouter deux nouvelles lettres à l'alphabet de la vie, l'ADN et est parvenue à les faire répliquer au sein de plusieurs générations de bactéries.
« L'alphabet du vivant »
«Seulement deux paires de bases d'ADN, A-T et C-G, codent toute la diversité de la vie sur Terre. Ce que nous avons fait, c'est un organisme qui contient de façon stable ces deux paires de bases, plus une troisième paire, qui n'existe pas naturellement», a expliqué le Pr Romesberg.
L’ADN (acide désoxyribonucléique) est la molécule indispensable pour la synthèse des protéines et le fonctionnement cellulaire. Elle
est transmise dans tout organisme pendant le processus de division cellulaire.
Selon les recherches menées par cette équipe américaine, la modification de sa structure, non seulement en terme de changement de la séquence mais aussi de molécules qui y sont contenues, est maintenant possible.
Ceci, grâce à la création d’une bactérie d’un nouveau genre, une bactérie porteuse d’un patrimoine génétique nouveau. Ce qui implique que « l'alphabet génétique » ne soit plus uniquement composé des «quatre lettres de l’alphabet du vivant», mais une bactérie comportant en son sein ces quatre «lettres» associées à deux autres.
L'information génétique de tout être vivant réside dans son ADN, qui est constitué de quatre molécules de base. Ces molécules, ou « lettres de l'alphabet du vivant » sont l'adénine (A), la thymine (T), la guanine (G) et la cytosine (C). L’équipe américaine annonce donc avoir réussi à intégrer dans le génome de la bactérie Escherichia coli une nouvelle paire de bases , nommées «d5SICS» et «dNaM»
Une paire de molécules supplémentaire
Selon les résultats de cette recherche très intéressante, il est désormais possible de remplacer ou d'ajouter de nouvelles molécules (d5SICSTP et dNaMTP) et de les insérer à l’intérieur de cette séquence.
Il est aussi possible de transmettre cette nouvelle structure pendant le processus de division cellulaire de la bactérie Escherichia Coli.
Les chercheurs ont dans un premier temps développé une nouvelle paire de bases, à partir de deux molécules appelées d5SICSTP et dNaMTP. Ils ont ensuite synthétisé un fragment d'ADN circulaire, un plasmide, contenant les trois paires de bases, et l'ont inséré dans des cellules de cette bactérie Escherichia coli.
Une découverte faisant polémique
Cette étude pourrait ouvrir les portes à de nouvelles expérimentations, surtout pharmaceutiques. Selon les chercheurs, elle pourrait avoir de nombreuses applications intéressantes, comme de nouveaux médicaments ou de nouvelles formes de nanotechnologies.
Mais la publication s’expose à de nombreuses critiques de la part de ceux qui pensent que l’ADN ne devrait pas être touché. Certains y voit une découverte qui pourrait révolutionner les domaines environnementaux, énergétiques ou médicaux. D'autres une découverte effrayante. «Les tentatives d'étendre l'alphabet génétique remettent en question courageusement l'idée de la nature universelle de l'ADN, et s'exposent potentiellement aux critiques sur la sagesse d'un tel bricolage», ont souligné Ross Thyer et Jared Ellefson (de l'Université du Texas) dans un éditorial publié par la revue Nature.