Rhumatologie

Polyarthrite rhumatoïde : des modifications du microbiote intestinal précèdent son apparition

Chez les personnes à risque de polyarthrite rhumatoïde, des changements spécifiques du microbiome intestinal, incluant des variations dans les souches de Prevotellaceae, précèdent l'apparition de la maladie. Ces modifications pourraient refléter une interaction dynamique entre le microbiote intestinal et le système immunitaire, ouvrant la voie à de nouvelles approches de prévention et de traitement ciblant le microbiote.

  • 12 Nov 2024
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    La polyarthrite rhumatoïde (PR) est une maladie auto-immune chronique qui se caractérise par une inflammation des articulations, et une dysbiose intestinale a été associée à son apparition (bactéries Prevotella). Des recherches récentes suggèrent que l'inflammation pourrait débuter au niveau des muqueuses, notamment intestinales, avant de devenir systémique. L'hypothèse d'une origine muqueuse de la PR est renforcée par la présence d'anticorps anticitrulline ou anti-CCP (ACPA) de classe IgA chez les individus à risque, ainsi que par des liens épidémiologiques avec le tabagisme et la parodontite.

    Dans ce contexte, cette étude a examiné les changements du microbiote intestinal chez des individus positifs pour les ACPA mais sans synovite clinique, afin de déterminer si des modifications spécifiques précèdent la progression vers la PR. Ses résultats sont publiés dans Annals of the Rheumatic Diseases.

    Une modification du microbiote intestinal 10 mois avant le diagnostic

    Dans cette étude, 124 personnes positives pour les ACPA ont été recrutées, dont 30 ont progressé vers une PR. Une analyse transversale révèle une diminution significative de la diversité alpha du microbiome intestinal chez les personnes à risque par rapport aux témoins sains, particulièrement chez ceux ayant des taux élevés d'ACPA. De plus, certaines souches de Prevotellaceae sont enrichies chez les personnes à risque, tandis que d'autres étaient diminuées, suggérant un rôle spécifique de ces bactéries dans la progression de la maladie.

    Une analyse longitudinale sur 15 mois auprès de 19 participants (dont 5 progressant vers une PR) montre une instabilité accrue du microbiote intestinal chez les progresseurs, particulièrement dans les 10 mois précédant le diagnostic de PR. Cette instabilité est marquée par l'accumulation de diverses bactéries, y compris des Prevotellaceae, mais sans qu'une seule espèce ne domine, contrairement a ce qui avait été publié.

    Des interactions probables microbiote-système immunitaire

    Concernant les autres résultats, l'étude identifie que les changements du microbiote chez les individus progressant vers la PR sont associés à une augmentation du métabolisme des acides aminés, notamment la dégradation de la putrescine et la synthèse de la thréonine. Ces modifications fonctionnelles suggèrent une altération du métabolisme microbien en lien avec l'inflammation.

    Par ailleurs, l'abondance de certaines souches de Prevotellaceae est corrélée avec des facteurs de risque traditionnels de la PR, tels que des taux élevés d'anticorps anti-CCP et la positivité pour l'allèle HLA-SE. La tolérance, évaluée par les effets des médicaments tels que les AINS, les inhibiteurs de la pompe à protons et les stéroïdes, n'a pas montré d'impact significatif sur le microbiome, probablement en raison de leur utilisation intermittente.

    Une large étude de cohorte de personnes à risque de PR

    Les données proviennent de la plus grande cohorte homogène de personnes à risque de PR, combinant une analyse transversale et longitudinale du microbiote intestinal. Les participants étaient positifs pour les ACPA avec des symptômes musculo-squelettiques sans synovite clinique. L'analyse du microbiote a été réalisée par séquençage de l'ARNr 16S et confirmée par séquençage métagénomique shotgun sur 49 échantillons.

    La méthodologie, incluant l'ajustement pour les facteurs de confusion potentiels tels que l'âge et l'apport en légumes, renforce la validité des résultats. Cependant, la taille limitée de l'échantillon longitudinal et l'absence de comparaison avec des témoins sains limitent la généralisation des conclusions.

    Néanmoins, ces résultats suggèrent que les modifications du microbiome intestinal pourraient survenir tardivement dans la phase préclinique de la PR, peut-être en réponse à des changements immunologiques sous-jacents.

    En pratique

    Ces découvertes ont des implications potentielles pour la recherche et la pratique médicale. Elles soulignent l'importance de considérer le microbiote intestinal dans la compréhension de la pathogenèse de la PR. L'identification de marqueurs microbiens spécifiques pourrait contribuer au développement d'outils diagnostiques ou pronostiques. Ces données suggèrent que des interventions ciblant le microbiote pourraient être explorées comme stratégie préventive chez ces personnes à haut risque.

    Des études supplémentaires avec des cohortes plus importantes et des analyses intégrant le métabolome et le transcriptome sont nécessaires pour approfondir ces observations et déterminer si les modifications du microbiome sont une cause ou une conséquence de l'auto-immunité émergente.

     

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