Cardiologie
HTA résistante : la saga des anti-aldostérones continue
L’HTA résistante représente un enjeu de santé important étant donné sa fréquence et ses risques associés. La voie de l’inhibition de l’aldostérone synthase est une nouvelle opportunité.
- Ivan-balvan/istock
Il y a quelques mois, une étude sur un nouveau traitement de l’HTA résistante était présentée en novembre 2022 au congrès de l’AHA et c’était une bonne nouvelle, tant les besoins restent importants dans cette maladie.
En effet, en dépit de la disponibilité de plusieurs antihypertenseurs, environ 20% des patients hypertendus souffrent d’une hypertension résistante, qui se définit comme une pression artérielle systolique et diastolique qui n'est pas abaissée à moins de 130/80 mmHg malgré des mesures d’hygiène de vie et un traitement avec les doses maximales tolérées de trois antihypertenseurs ou plus, dont un diurétique, un bloqueur du système rénine-angiotensine et un inhibiteur calcique.
Une rétention du sel et un hyperaldostérolisme
L'hypertension résistante est généralement un état de rétention de sel, principalement en raison d'une sécrétion inappropriée et excessive d'aldostérone, de sorte que le traitement de l’HTA résistante devrait associer une diminution de l'apport en sel, l’intensification d'un traitement diurétique et l'ajout d'un antagoniste des récepteurs minéralocorticoïdes, par exemple, la spironolactone (à une dose de 25 à 50 mg par jour).
Cependant, l'utilisation de la spironolactone est limitée car elle augmente le risque d'hyperkaliémie chez les patients dont le débit de filtration glomérulaire (DFG) est diminué, et elle a des effets secondaires antiandrogènes et progestatifs, étant donné ses effets non sélectifs sur les récepteurs minéralocorticoïdes. L'éplérénone est un antagoniste plus sélectif des récepteurs minéralocorticoïdes que la spironolactone, mais il est moins puissant.
Au-delà, les antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes ont également l’inconvénient d’induire une augmentation contre-régulatrice des taux d'aldostérone, dépendante de la rénine.
La voie de l’inhibition de l’aldostérone synthase
L'inhibition de la synthèse de l'aldostérone est donc une option séduisante pour réduire les effets délétères d’un excès d'aldostérone. La production d'aldostérone est contrôlée par la transcription régulée du gène CYP11B2, qui code pour l'aldostérone synthase dans la zone glomérulée de la glande surrénale.
L'étape finale de la synthèse du cortisol dans la zone fasciculée des surrénales fait, elle, intervenir la 11β-hydroxylase, qui est codée par le CYP11B1. L'homologie substantielle entre CYP11B2 et CYP11B1 et leurs protéines codées (>93% identiques) a rendu difficile la recherche d'inhibiteurs sélectifs de l'aldostérone synthase, qui a duré plusieurs décennies.
Un gain significatif
Dans l'essai publié cette semaine dans le New England Journal of Medicine, les patients ont reçu une fois par jour du baxdrostat, un nouvel inhibiteur du CYP11B2 dont la sélectivité in vitro est plus de 100 fois supérieure, par rapport à celle du CYP11B1, et dont la demi-vie plasmatique est d'environ 30 heures.
Il s'agit d'un essai de 12 semaines, de phase 2, contrôlé versus placebo et à doses variables, auquel ont participé 275 patients souffrant d'hypertension résistante (mais sans éliminer l’effet blouse blanche).
Dans la population en intention de traiter comprenant 274 patients, les doses de 1 mg et de 2 mg de baxdrostat, ajoutées au traitement antihypertenseur à l’inclusion, induisent des baisses supplémentaires importantes de la pression artérielle systolique (différence entre le groupe de 1 mg et le groupe placebo, -8,1 mm Hg, et différence entre le groupe de 2 mg et le groupe placebo, -11,0 mm Hg). La différence entre le groupe de 0,5 mg et le placebo n’est pas significative.
Un effet net sur la sécrétion d’aldostérone
Les taux sériques initiaux d'aldostérone chez les patients inclus dans cette étude se situaient dans la fourchette basse des taux normaux, des résultats qui correspondent aux mesures classiques de l'aldostérone observées chez les patients atteints d'hypertension résistante qui reçoivent un bloqueur du système rénine-angiotensine. Le baxdrostat a néanmoins réduit ces taux initiaux de 40 à 60%.
Par contre, le baxdrostat n'a pas diminué les taux sériques de cortisol par rapport à l’inclusion, des résultats qui ont confirmé sa sélectivité pour le CYP11B2, bien que les taux plasmatiques de corticotrophine et de 11-désoxycortisol ne soient pas rapportés dans l’étude.
Des risques d’hyperkaliémie
Mais, d’après un éditorial associé, après la suppression de l'aldostérone, les taux de potassium sérique ont augmenté de manière dose-dépendante avec le baxdrostat, comme avec les antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes. Bien que seulement six cas d'hyperkaliémie réversible (taux de potassium, ≥5,5 mmol par litre) soient survenus, le risque d'hyperkaliémie avec le baxdrostat est probablement sous-estimé, puisque les patients ayant un DFG estimé à moins de 45 ml par minute par 1,73 m2 de surface corporelle ont été exclus de cet essai.
Le baxdrostat a augmenté l'activité de la rénine plasmatique de façon proportionnelle à la dose, probablement par le biais d'un bilan sodique négatif réduit chez les patients qui recevaient déjà un diurétique ; cela peut avoir contribué à l'effet antihypertenseur du baxdrostat.
Cela a aussi probablement contribué aux diminutions dose-dépendantes du DFG estimé par rapport à l’inclusion (-10,7 ml par minute par 1,73 m2 chez les patients qui ont reçu la dose de 2 mg de baxdrostat). La surveillance des taux sériques de potassium et de créatinine sera donc nécessaire si le baxdrostat devient disponible sur le marché, comme c'est le cas pour les antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes. L’association à un antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes devra également être évitée sous peine d’augmentation du risque d’hyperkaliémie sévères.
Des perspectives intéressantes
Selon l’éditorial associé, les résultats de cet essai ouvrent néanmoins de nouvelles perspectives pour le traitement des patients souffrant d'hypertension artérielle résistante, ainsi que pour le traitement des patients atteints d'hyperaldostéronisme primaire, avec un excès massif d'aldostérone.
Cependant, des essais plus importants et plus longs, comprenant une surveillance ambulatoire de la pression artérielle sur 24 heures ainsi qu'un profilage complet des stéroïdes, sont justifiés, y compris un groupe témoin actif traité par un antagoniste des récepteurs minéralocorticoïdes.