Gériatrie

Dénutrition de la personne âgée : stop aux protéines en poudre et aux régimes stricts

Un quart des personnes de plus de 75 ans en ville est à risque de dénutrition et à peu près 5 à 10% sont dénutris au-delà de 75-80 ans.

  • Maryna Iaroshenko/istock
  • 22 Déc 2022
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    Fréquence Médicale a rencontré le professeur Marc Bonnefoy, gériatre au CHU de Lyon et spécialiste de la dénutrition. Il nous avait donné des clés dans un précédent interview pour dépister efficacement cette pathologie. Il nous livre maintenant des conseils simples et pratiques pour la prise en charge, en médecine de ville, de cette pathologie fréquente « qui tue en silence ».

    Sur le plan de l'alimentation, quelles sont les lignes directives de la prise en charge d'une personne âgée dénutrie en médecine de ville ?

    Il faut déjà s'assurer que l'alimentation quotidienne couvre les besoins de la personne âgée. On sait maintenant qu'il faut à peu près 30 kCal par jour par kilogramme de poids corporel. Il faut des apports suffisants en calories mais aussi en protéines. Si on apporte des calories sans protéines, ça ne sert à rien. Et puis il faut faire bouger la personne, si vous donnez des protéines à quelqu'un qui ne bouge pas, ça ne sert à rien.

    Il est aussi important d'insister auprès de la personne âgée elle-même pour qu'elle s'alimente correctement, qu'elle ne saute pas de repas. On peut aussi augmenter la fréquence des prises, avec la mise en place, par exemple, de collation dans l'après-midi et dans la matinée.

    Et puis il y a le système habituel d'enrichissement de l'alimentation qui est vraiment très important. Avec de la crème, du beurre, du fromage, on arrive avec un potage qui fait initialement 50 kCal à apporter 400 kCal : c'est pas chimique et en plus c'est bon. Et enfin en dernier recours, on introduit les compléments nutritionnels oraux. Ils doivent être toujours donnés très à distance des repas : au moins deux heures doivent séparer le repas de la prise des compléments.

    Au-delà de ces recommandations officielles de prise en charge, quels conseils simples doit-on donner à un patient âgé dénutri et à son entourage pour lutter contre la dénutrition ?

    Il est utile de rehausser le goût des plats, pas forcément avec du sel mais en mettant par exemple des épices. Ça donne aux gens de l'appétit, il faut que les repas soient appétissants. Si la personne a du mal à faire ses courses ou à préparer ses repas à cause de troubles cognitifs ou de difficultés motrices, on met en place la livraison des repas. C'est pas forcément terrible mais bon...

    Il est aussi souvent utile d'avoir une aide pour faire les courses et une aide parfois pour préparer les repas. Cela peut être bénéfique qu'elle puisse rester avec la personne pour manger avec elle, si elle est toute seule. Ça fait partie des choses conviviales à faire. Et c'est également important de faire de la pédagogie auprès des aidants, de manière formelle ou informelle.

    Les facteurs favorisants la dénutrition sont nombreux et souvent multiples, quels sont les deux sur lesquels vous souhaiteriez particulièrement insister ?

    Il faut impérativement vérifier l'état des dents. En cas de dénutrition, il faut systématiquement une consultation chez le dentiste. Très souvent les personnes âgées ont des problèmes dentaires et ont des difficultés pour consommer des aliments durs comme la viande. Elles peuvent être très gênées en cas d'édentation et ne plus pouvoir manger. C'est malheureusement très cher mais maintenant il y a quand même la possibilité des implants et c'est un plus considérable pour les gens qui ont des problèmes dentaires.

    Et un autre point important chez le sujet âgé, c'est la constipation. C'est fréquent du fait qu'ils ne bougent pas beaucoup. Il faut lutter contre la constipation car quand c'est complètement bouché, par définition vous êtes anorexique. Il faut donc bien penser à hydrater les personnes âgées en leur préconisant une consommation d'un litre et demi d'eau par jour. Il faut aussi s'assurer qu'elles consomment des fibres en quantité suffisante.

    En gériatrie, on pense toujours iatrogénie, quel lien avec la dénutrition ?

    La consommation des personnes âgées, c'est 5 à 7 médicaments par jour en moyenne. Donc c'est sûr qu'en terme d'apéritif, ce n'est pas terrible. Ça donne un goût chimique et ça coupe l'appétit pour le repas. Le médecin doit donc adapter pour voir les traitements qui peuvent se donner au cours du repas, pour qu'il n'y ait pas forcément tout en début de repas.

    Et la révision de l'ordonnance c'est très important aussi. Il faut savoir remettre en cause les traitements et ne pas tout represcrire systématiquement. Et il y a des traitements, par exemple les benzodiazépines, les IRS et pas mal d'autres qui peuvent avoir une action anorexigène.

    Pour terminer, pouvez-vous nous citer deux erreurs à ne pas commettre dans la prise en charge de la dénutrition ?

    Alors ce qu'il ne faut jamais faire à mon sens, c'est rajouter des protéines en poudre par exemple dans un yaourt ou un autre aliment. Ça donne un goût chimique, c'est épouvantable. Donc les protéines en poudre, non ! C'est encore assez commun malheureusement, alors que c'est contre-productif.

    Attention aussi aux régimes inutiles du style « attention il ne faut pas prendre de sel du tout », non, non, non ! Sauf cas exceptionnel, on ne va pas faire un régime sans sel strict. Il faut retenir qu'après 70-80 ans, on ne met pas en place de régime sauf indication très précise posée par un spécialiste

     

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