Gériatrie
Dénutrition de la personne âgée : conseils pratiques de prise en charge en ville
Comment, en ville, dépister précocement et prendre en charge efficacement la dénutrition de la personne âgée ? Le professeur Nathalie Salles, gériatre, livre ses conseils de pratique clinique dans un webinaire dédié.
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« Dépister plus vite pour mieux soigner la dénutrition chez la personne âgée » tel est le message clé des formations en ligne organisées par Nutrisens en partenariat avec la Société Française de Gériatrie et Gérontologie (SFGG) sous forme de webinars présentés par des experts dans 7 régions de France.
Le professeur Nathalie Salles, présidente de la SFGG qui se dit « très heureuse de ce tour de France » a présenté la cession pour la Nouvelle Aquitaine. En s'appuyant sur les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) mais aussi grâce à des conseils simples de pratique, elle nous explique l'importance du repérage précoce de toute perte de poids et les mesures concrètes à mettre en place pour limiter les complications parfois dramatiques de la dénutrition.
Dépistage de la dénutrition : « toute perte de poids doit alerter ! »
Première étape pour lutter contre la dénutrition : la dépister. Et sur ce point, le Pr Salles insiste « toute perte de poids doit vous alerter ! ». Et pour cause, elle rappelle le mauvais pronostic d'une perte de poids, même de 5 kg en 5 ans, qui multiplie par 2 le risque de décès dans les 5 ans.
Pour ce repérage qui doit être précoce, tous les indices sont bons à prendre. Au cabinet, il faut peser mais aussi rechercher une diminution de la vitesse de la marche ou des chutes. Auprès des infirmières, il faut être alerte sur des informations du quotidien comme une ceinture qu'il est nécessaire de serrer de plus en plus, et via l'entourage être sensible lorsqu'une perte d'appétit est évoquée en consultation.
Il faut aussi savoir penser à rechercher une dénutrition devant des situations à risque. Parmi les causes médicales, on pense facilement aux cancers, maladies inflammatoires ou infectieuses mais la gériatre rappelle que toute affection aiguë chez la personne âgée est à risque de dénutrition tout comme les escarres ou une insuffisance d'organes. Il y a aussi toutes les causes sur lesquelles on peut a priori assez facilement agir : la polymédication, les troubles bucco-dentaires et les régimes trop stricts que s'imposent parfois les patients pour éviter l'hypertension ou un peu trop de cholestérol.
Concernant les critères diagnostiques à proprement parler, ils ont évolué en 2021 suite à la publication de nouvelles recommandations HAS. L'albuminémie basse n'est plus un critère de diagnostic de dénutrition non sévère, remplacée par la présence d'une sarcopénie confirmée. Et il est maintenant nécessaire d'avoir au moins un critère étiologique pouvant expliquer la dénutrition en plus des critères phénotypiques (perte de poids, IMC bas..) pour poser le diagnostic.
Prise en charge : des « choses très simples » existent
Une fois le diagnostic posé, place à la prise en charge qui doit être le plus précoce possible. La gériatre insiste « l'objectif n'est pas de grossir mais d'arrêter de perdre du poids et surtout de garder du muscle ». Il faut amener de l'énergie pour stopper la perte de poids, des protéines pour refaire du muscle mais aussi du plaisir ! Le Pr Salles l'accorde, sur ce dernier point « ce n'est pas toujours évident » mais elle insiste sur l'importance d'avoir un environnement agréable pour manger et si possible en compagnie d'autres gens.
La prise en charge plus globale en termes d'alimentation repose essentiellement sur des conseils diététiques, un enrichissement alimentaire, la prescription de compléments nutritionnels oraux (CNO). Dans de plus rares cas, on peut mettre en place une nutrition entérale et très rarement, « voir jamais en pratique » précise-t-elle, une nutrition parentérale. La stratégie dépend du statut nutritionnel et des apports spontanés alimentaires sur la base du tableau synthétique des recommandations HAS de 2007 « Stratégie de prise en charge nutritionnelle d'une personne âgée ». Voilà en gros pour la théorie.
En pratique, parmi les conseils diététiques, la gériatre propose la mise en place de « choses très simples » : diminuer la durée du jeun nocturne en proposant une collation tard le soir, éviter les régimes, hors graves pathologies le nécessitant, fractionner les repas ou encore essayer de mettre davantage de goût dans l'assiette via, par exemple, de l'ail ou de la moutarde. Si l'alimentation doit être enrichie, cela passe par l'ajout de « tout ce qu'on a sous la main », il faut que ce soit « enrichi en protéines mais que cela donne du goût aussi » précise la gériatre. Concrètement, il s'agit d'agrémenter autant que possible les repas ou collations avec du gruyère râpé, de la crème fraîche ou encore du lait concentré sucré.
Concernant les compléments nutritionnels oraux, le Pr Salles précise qu'elle a tendance à les prescrire dès qu'elle voit qu'un patient mange un peu moins bien. Ils doivent bien être donnés en plus des repas et non à la place, l'idéal étant aux collations de 10h, 16h voir 22h ou en fin de repas. Alors qu'avant les patients avaient uniquement le droit aux sempiternelles crèmes desserts chocolat ou vanille, l'offre a beaucoup évolué et est plus attrayante : veloutés de légumes, petits pains au chocolat ou encore madeleines sont maintenant disponibles.
L'importance aussi de la vitamine D et de l'activité physique
Tout aussi important qu'une alimentation adaptée pour « refaire » du muscle : l'activité physique. Dans ce domaine, la gériatre précise « il n'y a pas de nouvelles recettes, les anciennes fonctionnent bien » à savoir par exemple marcher régulièrement et prendre les escaliers dès que possible. Trop peu utilisée selon la gériatre, la prescription d'activité physique adaptée (APA) est aussi une ressource intéressante en ville.
Et pour rester dans le domaine musculaire, Nathalie Salles rappelle qu'une carence en vitamine D fragilise le muscle, il faut donc penser à supplémenter les personnes à risque de l'ordre de 800 à 1000 UI par jour.