Gériatrie

Hypotension orthostatique de la personne âgée : les conseils pratiques d'un expert

Comment gérer un patient âgé hypertendu et qui a aussi une hypotension orthostatique ? Quelles mesures hygiéno-diététiques et pharmacologiques en cas d'hypotension orthostatique ? Voici quelques exemples de questions auxquelles a répondu de manière synthétique et pratique le professeur Olivier Hanon, gériatre et cardiologue à l'hôpital Broca, Paris, lors du Congrès Prescription et Parcours Adaptés aux Personnes Âgées. 

  • Toa55/istock
  • 23 Jun 2022
  • A A

    Au début du mois, s'est tenu le Congrès PAPA, Prescription et Parcours Adaptés aux Personnes Âgées. Deux journées 100% digitales consacrées à l'innovation et l'actualité dans le domaine des traitements médicamenteux en gériatrie. Lors d'une session sur le thème des chutes, le professeur Olivier Hanon, chef de service de gériatrie à l'hôpital Broca de l'AP-HP et cardiologue de formation a présenté un topo sur un sujet incontournable lorsqu'on parle de chutes en gériatrie : l'hypotension orthostatique.

    Touchant 20% de la population âgée de plus de 80 ans, l'hypotension orthostatique augmente le risque de chute de plus de 70% et la mortalité toutes causes confondues de plus de 35%. Elle est définie par une baisse de la pression artérielle (PA) systolique d'au moins 20 mmHg et/ou de la PA diastolique d'au moins 10 mmHg suivant un passage en position debout. Petites précisions de l'expert : désormais les mesures s'effectuent seulement à 1 et 3 minutes après le lever, celle à la cinquième minute n'étant plus recommandée, et la présence de symptômes associés à la baisse de la pression artérielle n'est pas nécessaire pour poser le diagnostic.

    L'origine est le plus souvent multifactorielle. Les trois principales étiologies étant : les causes neurogènes, l'hypovolémie ou la déshydratation et les causes iatrogènes. Antihypertenseurs, anticholinergiques ou encore inhibiteurs de la recapture de la sérotonine font partie des traitements à risque. Une fois ces bases posées, le Pr Hanon a livré ses conseils de pratique sur les mesures non pharmacologiques de prise en charge de l'hypotension orthostatique, sur la gestion d'un patient hypertendu et sujet à l'hypotension orthostatique ou encore la prise en charge spécifique de l'hypotension orthostatique neurogène.

    « Si vous voyez des gens qui piétinent en s'agrippant les mains devant le sternum, ce sont probablement des patients à moi atteints d'hypotension orthostatique »

    Pas de médicament miracle pour régler le problème d'une hypotension orthostatique, la prise en charge repose avant tout sur des mesures non médicamenteuses. Premier conseil à délivrer au patient : la décomposition du lever, par un passage en position assise pour limiter le risque de chute brutale de la tension artérielle et donc de chute, tout court. Mais comme le précise le Pr Hanon « ça c'est bien mais en général les gens ne le font pas ».

    Quelles autres mesures conseiller alors ? En voici quelques-unes : une hydratation suffisante d'environ 2 litres par jour, hors cas d'insuffisance cardiaque éviter le régime sans sel qui majore l'hypotension orthostatique, limiter la prise d'alcool et pratiquer une activité physique régulière, surélever la tête de lit de 10° ou encore porter des contentions veineuses.

    En plus de ces mesures hygiéno-diététiques, éduquer le patient à des manœuvres de secours à réaliser en cas de symptômes est indispensable : « si vous voyez des gens qui piétinent en s'agrippant les mains devant le sternum puis en les écartant vigoureusement, c'est probablement un malade à moi qui fait de l'hypotension orthostatique et qui est en train de ressentir un malaise » explique le gériatre. En effet, le piétinement majore le retour veineux et la contraction isométrique provoquée par la manœuvre des mains permet d'augmenter significativement la PA, l'un et l'autre permettant donc de réduire les risques de malaise liés à la chute brutale de la PA.

    Le dilemme de l'hypotension orthostatique chez un patient hypertendu

    Un cas de pratique fréquent : le sujet âgé hypertendu traité qui se plaint également d’une hypotension orthostatique. A la question posée par le public, « faut-il préférer une hypertension artérielle ou une hypotension orthostatique ? », le Pr Hanon répond « on ne peut pas vraiment choisir mais le plus grave des deux c'est l'hypotension orthostatique parce que c'est la chute et les complications à court terme », tout en nuançant : « mais ce qui serait dommage c'est de se focaliser sur cette hypotension orthostatique d'oublier de traiter l'hypertension artérielle et 5 ans plus tard il fait un AVC ». Le challenge est donc de traiter l'hypertension artérielle (HTA) tout en limitant le risque d'hypotension orthostatique.

    Voici les recettes de l'expert pour cela. Première mesure : répartir les traitements antihypertenseurs matin et soir, au lieu d'une prise unique plus à risque de provoquer une hypotension orthostatique. C'est ce qu'on appelle la chronothérapie. Deuxième mesure : changer de classe thérapeutique d'anti-hypertenseur, notamment si le patient est sous diurétiques, classe la plus à risque. Si ces mesures sont insuffisantes pour limiter l'hypotension orthostatique, il faudra alors accepter de tolérer un peu plus d'HTA. Le professeur spécialiste de la question conseille alors d'envisager de diminuer les doses d'antihypertenseurs, ou dans les cas les plus extrêmes de ne traiter l'HTA que la nuit. Pour cela, un recours à un antihypertenseur à courte durée de vie tels que la nicardipine et le losartan peut être proposé.

    L'hypotension orthostatique d'origine neurogène, seule indication à un traitement pharmacologique

    Une hypotension orthostatique d'origine neurogène est liée à un dysfonctionnement du système nerveux autonome, la fameuse dysautonomie. Elle est fréquente en cas de syndrome parkinsonien ou de diabète. Elle est habituellement associée à une absence d'augmentation de la fréquence cardiaque à l'orthostatisme.

    C'est la seule situation d'hypotension orthostatique qui peut nécessiter un recours à un traitement médicamenteux. Deux molécules ont l'AMM : la fludrocortisone (FLUCORTAC 50µg) et la midodrine (GUTRON 2,5mg). Le traitement doit être débuté par une des deux molécules à faible dose (Midodrine 1.1.0 ou fludrocortisone 1.0.0). Si ce n'est pas assez efficace, il est recommandé d'associer les deux à ces faibles posologies. Le Pr Hanon rappelant au passage que les nouvelles recommandations privilégient en effet l'association à faible dose plutôt qu'une forte dose d'une seule molécule dans le but de limiter les risques d'effets secondaires.

    Si l'efficacité n'est pas suffisante, les doses peuvent être augmentées, par pallier de 15 jours environ précise le gériatre, jusqu'au seuil maximum de 9 comprimés de midodrine (3.3.3) et 4 de fludrocortisone (2.0.2). Un seuil qu'il déconseille cependant d'atteindre car le risque de mauvaise tolérance se révèle alors très important. Quelle que soit la dose, les effets indésirables du traitement doivent être recherchés : HTA pour les deux molécules, hypokaliémie, œdèmes des membres inférieurs ou insuffisance cardiaque pour la fludrocortisone notamment chez le sujet âgé à risque cardiovasculaire.

    Une recherche prolongée

    Un dernier conseil pour conclure « il faut rechercher l'hypotension orthostatique de façon prolongée » précise le Pr Hanon. En effet, en cas de suspicion d'hypotension orthostatique, une mesure négative n'élimine absolument pas le diagnostic. Il est donc recommandé de répéter la recherche à des jours et horaires différents pour majorer les chances de dépister cette pathologie parfois silencieuse, mais dont les conséquences sont redoutables

    Pour laisser un commentaire, Connectez-vous par ici.
    
    -----