Ethique

Médicaments : les médias responsables de la défiance de la population à leur égard ?

Les médias, par les messages qu'ils transmettent, ont un rôle majeur pour informer objectivement la population quant aux risques et bénéfices des médicaments. Mais selon l'Académie de médecine, entre course au scoop et interview de faux experts, ils seraient sur certains aspects plutôt la cause du climat de suspicion de la population envers les médicaments.

  • Ljupco/istock
  • 14 Jun 2022
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    Bien que les enquêtes d'opinion montrent que globalement les Français ont une perception positive de l'efficacité et de la sécurité d'emploi des médicaments, l'Académie nationale de médecine, dans un rapport dédié, se dit préoccupée par la situation de défiance et d'hostilité envers les médicaments qui existe dans notre pays. Elle la considère comme dangereuse pour la santé des citoyens. Elle souligne combien la pandémie a montré que la perception du risque médicamenteux, peut être instable voire irrationnelle.

    Les causes sont multiples. Le développement des réseaux sociaux qui répand des informations fausses, « souvent plus virales et mieux mémorisées que les vraies », assourdit la communication rationnelle fondée sur les données de la science. Mais aussi une tendance forte de notre société d'accorder la primauté au risque par rapport au bénéfice et une communication officielle défaillante.

    Mais surtout, l'Académie incrimine les médias. Cherchant le scoop, invitant des pseudo-experts, ils jouent selon elle, un rôle de « caisse de résonance des peurs du public » et contribuent à entretenir la suspicion de la population à l'égard des médicaments. Partant de ce constat, elle formule des recommandations, non pas « pour en faire des alliés naturels des scientifiques pour communiquer sur le médicament » mais pour tendre vers « une meilleure collaboration pour ce qui est de l'information elle-même ».

    Comment certains médias participent au problème selon l'Académie

    Certes les journalistes, cherchent majoritairement à transmettre des informations de qualité souligne le rapport. Mais pour l'Académie, il y a aussi la « quête du scoop » qui, dans le domaine du médicament, amène naturellement certains médias à focaliser l'attention sur les effets indésirables plutôt que bénéfiques.

    Un climat de compétition journalistique qui explique comment certains journalistes, très peu nombreux précise l'Académie, peuvent prendre le risque de se tromper plutôt que de passer à côté d'une information « sensationnelle » comme ce fut le cas pour l'hydroxychloroquine. La priorité accordée dans les médias aux risques médicamenteux par rapport à leurs effets bénéfiques, entretient, selon le rapport, la suspicion de l'opinion publique. D'autant plus, peut-on lire, que « l'outil médiatique suscite parfois des inquiétudes disproportionnées par rapport à la gravité toute relative de l’événement rapporté ».

    L'Académie regrette aussi que les médias donnent régulièrement et délibérément la parole à des médecins non-spécialistes « experts auto-proclamés et avides de notoriété » plutôt que les meilleurs scientifiques dans le domaine. Ceci attise encore la suspicion de l'opinion publique envers certains traitements, puisque ces non-experts apprécient davantage la polémique que les purs arguments scientifiques et objectifs. 

    L'Académie livre ses recommandations

    L'Académie relève toutefois un effet bénéfique de la crise et de ses dérives médiatiques : la progression de la culture scientifique des journalistes, notamment dans domaine de la recherche clinique. Mais ce n'est pas suffisant pour limiter à l'avenir l'effet des médias sur la perception négative du risque médicamenteux par la population.

    Le rapport se termine donc par des recommandations pour faire bouger les lignes car le public « est en droit d'attendre des médias une information de qualité, prudente, contrôlée et indépendante des rumeurs ». Pour cela, l'Académie appelle, entre autres, les médias à faire désormais appel à des experts indiscutables et à privilégier les données objectives par rapport aux témoignages subjectifs fondés sur l'émotion et les expériences individuelles. Elle suggère aussi l'introduction systématique de la déontologie dans le programme des écoles de journalisme.

    Au-delà de l'amélioration des contenus des médias, qui on le sait ne seront jamais tous d'une qualité irréprochable, l'Académie juge nécessaire de former très tôt, dès le collège, les jeunes à la culture scientifique et à la culture du risque. Le but sera de développer leur esprit critique et de leur donner le réflexe de toujours vérifier leurs sources d'information, notamment sur internet.

    Un mauvais point aussi pour le Gouvernement mais quid de l'Académie

    Rassurons toutefois les médias, ils ne sont pas les seuls à se voir critiqués par l'Académie. Pour leur rôle dans la défiance des Français à l'égard des médicaments. Les experts ont, dans le rapport, aussi arrosé le Gouvernement de belles formules. Ils lui préconisent par exemple de clarifier les messages institutionnels et d'éviter « la rhétorique moralisatrice qui a tendance à exaspérer ».

    Le compliment sera d’ailleurs peut-être renvoyé aux experts de l'Académie au vu du ton global du rapport...

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