Rhumatologie

Rupture du tendon d’Achille : la chirurgie réduit surtout le risque de re-rupture

Au plan fonctionnel à un an, un traitement non-chirurgical ferait aussi bien que la chirurgie (ouverte ou mini-invasive), mais le risque de re-rupture serait 10 fois plus élevé.

  • artekSzewczyk/istock
  • 14 Avr 2022
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    La rupture du tendon d'Achille est l'une des lésions musculo-squelettiques les plus fréquente. Elle est très souvent invalidante à vie, et pourtant son traitement reste mal défini.

    Les résultats d'un large essai multicentrique, randomisé, sur des patients norvégiens, avec une rupture aiguë du tendon d'Achille, ont été publiés dans le New England Journal of Medicine. Les 532 patients de près de 40 ans d’âge moyen ont été randomisés entre un groupe traitement non-chirurgical (avec mobilisation dynamique précoce), un groupe chirurgie ouverte (technique de Krakow modifiée) et un groupe chirurgie mini-invasive (avec 3 sutures).

    Des résultats fonctionnels similaires entre les 3 groupes sont obtenus dans le contexte d'un protocole de rééducation structuré avec un suivi étroit de tous les patients. Ce niveau de contrôle peut être difficile à reproduire en pratique clinique, en particulier pour les patients non opérés.

    Résultats fonctionnels similaires mais moins de re-ruptures

    Le principal critère d'évaluation est la variation, entre le début de l'étude et un an plus tard, du Achilles’ tendon Total Rupture Score (ATRS), un score validé en 10 points pour évaluer les résultats rapportés par les patients après le traitement de la rupture du tendon d'Achille. Les critères secondaires comprenaient la rechute, le changement par rapport au début de l'étude des scores des tests de force et d'endurance, et les mesures de qualité de vie évaluées par la 36-Item Short Form Health Survey (SF-36).

    Des améliorations similaires du score ATRS à un an sont observées dans les trois groupes de traitement et également lors des suivis à trois et six mois. Les critères secondaires étaient également similaires entre les groupes, à l'exception du risque de re-rupture, qui est plus élevé chez les patients qui ont été traités de manière non-chirurgicale (6,2%) par rapport à ceux qui ont été traités par chirurgie ouverte ou mini-invasive (0,6% pour chaque groupe).

    Des infections sont observées chez 1,1% des patients du groupe non-opéré et du groupe chirurgie ouverte, et chez 1,7% des patients du groupe chirurgie mini-invasive. Des lésions nerveuses sont rapportées chez 0,6% des patients du groupe non opéré, chez 2,8% de ceux du groupe chirurgie ouverte et chez 5,2% du groupe chirurgie mini-invasive.

    Opérer ou ne pas opérer ?

    La rupture aiguë du tendon d'Achille est l'une des lésions musculo-squelettiques les plus courantes. Elle est plus fréquente avec l'âge, les modes de vie actifs et dans le sexe masculin. Il peut s'agir d'un événement qui change la vie, car de nombreux patients restent avec des handicaps permanents. Un an après la rupture, 4 patients sur 10 ont repris leurs activités sportives d'avant, et 1 patient sur 2 considère que la gêne résiduelle est acceptable.

    Les essais randomisés et contrôlés qui ont comparé le traitement non-chirurgical et la chirurgie ouverte de la rupture aiguë du tendon d'Achille ont montré des performances physiques similaires pour les deux approches, avec un risque plus élevé de re-rupture avec le traitement non-chirurgical, tandis que le traitement chirurgical serait associé à des risques de complications post-opératoires, telles que des infections et des lésions nerveuses. Cependant, ces essais étaient généralement de petite taille, et les protocoles de traitement et de réadaptation variaient ou étaient décrits de manière incomplète.

    Plusieurs études ont suggéré que les protocoles de réadaptation fonctionnelle dynamique accélérée, qui mettent l'accent sur la mobilisation et la mise en charge précoces, pourraient réduire le risque de re-rupture après un traitement non chirurgical, mais cela n’a pas été validé dans des études.

    Un protocole très standardisé

    Un plâtre équin sous le genou (avec flexion plantaire) a été appliqué dans les 72 heures suivant la rupture du tendon d’Achille, quel que soit le groupe de traitement. Le plâtre a été maintenu pendant 2 semaines dans le groupe non-opéré ; dans les groupes chirurgicaux, un nouveau plâtre a été posé après l’intervention et maintenu pendant 2 semaines.

    Pendant 6 semaines après le retrait du plâtre, les patients ont été autorisés à mettre en charge le pied blessé, en fonction de leur tolérance, en portant une orthèse cheville-pied avec des talonnettes. Le nombre de talonnettes a été progressivement réduit, passant de trois pendant la première semaine de traitement par orthèse cheville-pied à aucune pendant la dernière semaine. Tous les participants ont suivi un protocole de rééducation standardisé

    Dans le groupe traitement non-chirurgical, la rééducation était dynamique, c'est-à-dire que les patients étaient autorisés à porter du poids et avaient pour instruction de faire des exercices isométriques à partir de 3 semaines après la rupture.

    Pas d’impact de la rééducation dynamique sur le risque de re-rupture

    Un résultat important, selon un éditorial du même numéro, est que le traitement non-chirurgical conduit à une augmentation substantielle du risque de re-rupture par rapport au traitement chirurgical, même si tous les patients ont bénéficié d'une rééducation dynamique optimale. Il s'agit d'un résultat intéressant car il répond à une controverse en cours sur la question de savoir si la rééducation dynamique réduit le risque de re-rupture chez les patients traités de manière non-chirurgicale.

    Beaucoup d’essais randomisés précédents n'ont pas étudié spécifiquement l'effet de la réadaptation dynamique ou n'ont pas montré une réduction du risque de re-rupture avec la réadaptation dynamique chez les patients traités de manière non-chirurgicale. À la lumière des résultats de l'essai actuel et des précédents, le message est maintenant clair : la chirurgie réduit considérablement le risque de re-rupture, mais pas la rééducation dynamique.

    En pratique

    Chez des patients non-sélectionnés avec une rupture aiguë du tendon d'Achille, la chirurgie (chirurgie ouverte ou chirurgie mini-invasive) n’est pas associée à un meilleur résultat fonctionnel à 12 mois que le traitement non-chirurgical. Cet essai n'incluait pas de patients avec des ruptures ou des re-ruptures négligées, deux lésions considérées comme bénéficiant de la chirurgie. La chirurgie peut également être préférée chez les athlètes de haut niveau. Par contre, le risque de re-rupture à 1 an est 10 fois plus élevé dans le groupe non-chirurgical.

    Il nous manque des moyens d'identifier les patients à risque élevé de re-rupture, ce qui faciliterait la prise de décision. Des données d'observation indiquent qu'un diastasis plus important entre les extrémités du tendon rompu serait associé à un risque accru de re-rupture. Des essais en cours évaluent la sélection d'un traitement individualisé sur la base d'une évaluation échographique du diastasis.

    Selon un éditorial du même numéro, jusqu'à ce que des recommandations d'un traitement, basées sur des données probantes, soient disponibles, le choix du traitement devrait être basé sur une prise de décision partagée qui met en balance les avantages d'éviter la chirurgie et le risque plus élevé de re-rupture du tendon.

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